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Vallée Sacrée

 

28-30/07/2022 (Jours 5 à 7)

 

Réveil aux aurores pour retrouver le guide et départ pour la vallée sacrée... Enfin, quand on dit "vallée sacrée" on devrait plutôt dire "les vallées secrètes" !

 

Car oui, la vallée sacrée est cette zone qui englobe la vallée de la rivière Urubamba, entre Ollantaytambo et Pisac. Mais aussi, toutes les vallées attenantes creusées par les divers affluents d'Urubamba. Cette région du pays était particulièrement appréciée par les incas pour sa fertilité. Aujourd'hui encore, de nombreux champs de maïs et potagers y prospèrent.

Au détour d'un virage, un belvédère offre une superbe vue sur le début de la vallée tandis que le soleil s'éveille enfin.

Dans une tienda nous achetons notre boleto, précieux sésame qui nous permettra l'accès aux sites archéologiques.

Le premier site que nous sommes amenés à visiter c'est Pisac.

Les ruines se trouvent sur une colline à l'entrée de la vallée et sont regroupées dans quatre secteurs : P'isaga, Intiwatana, Qallaq'asa et Kinchiraqay. Nous n'en parcourons que deux et commençons à nous imprégner des habitudes incas.

Ce qui étonne d'abord c'est cette colline striée par les terrasses agricoles, d'origines et toujours utilisées, montrant comment les Incas s'adaptaient et maîtrisaient leur environnement. 

Chaque terrasse est composée de différentes strates végétales : l'une pour conserver l'eau, l'autre pour les apports nutritifs, etc... certaines étaient importées d'Amazonie !

Au-delà de l'aspect agricole, des constructions militaires et religieuses sont également présentes. Pisac défendait le Sud tandis que la forteresse d'Ollantaytambo le Nord.

Par ailleurs, dans une falaise nous distinguons une multitude de grottes. Le guide nous invite à deviner l'usage de ces dernières en fonction de leurs positions géographiques : elles sont toutes ouvertes vers l'Est et en aval d'un ruisseau. 

C'est là où étaient enterrés les incas. Pour eux, la mort était le début d'une seconde vie, d'une renaissance. Voilà pourquoi les tombes étaient orientés vers l'Est, vers le Soleil levant, et en-deçà du ruisseau, l'eau étant à l'origine de la vie.

Avant qu'ils se réveillent, nous rejoignons le van pour rejoindre l'étonnant site de Moray.

Moray c'est un tout petit site, mais il est d'une grande curiosité :

Pourquoi donc tous ces cercles ?

En fait, la température varie à chaque niveau, créant de fait pour chacun de ces cercles un microclimat. En haut, c'est la zone tropicale tandis qu'en bas c'est le désert. Près d'un vingtaine de microclimats étaient ici représentés et sont d'autant de laboratoires agricoles pour tester les cultures, les croisements (et oui les OGM ont existés de tout temps...) mais aussi les engrais. Dès qu'une combinaison se révélait être un succès, elle était envoyée dans la région de l'empire la plus adaptée.

La simplicité et l'intelligence du site fascinent.

Un autre point qui m'enchante : la route parcourue...

L'altiplano est magnifique : vaste plaine perchée à 3500 m d'altitude, désertique, entourée par les hautes montagnes glaciaires surnommées les Apus.

La silhouette d'un alpaca brise parfois la ligne d'horizon. 

J'ai la sensation de respirer de nouveau, après ces précédents jours où peu à peu je me sentais contraint, ici je revis bien que je demeure enfermé dans un van.

Vivement le trek !

Mais avant ça...

...Surgissant de nulle part, en contrebas d'une falaise, les Salineras de Maras.

 

C'est une source d'eau salée, vieille de 100 millions d'année, vestige d'un ancien océan qui a dû prendre la fuite face à la montée de la cordillère andine, qui alimente ces quelques 4000 bassins qui sculptent le paysage.

Ces salines sont exploitées par plus de 250 familles produisant environ 400 tonnes de sel par semaine en moyenne. En sachant cela, et voyant le transport des sacs de sel à dos d'hommes, nous ne pouvons qu'avoir une petite pensée à celui qui à sa parcelle au beau milieu.

L'usage du sel se fait selon sa couleur : certains sont pour la suicine, d'autres pour la médecine, etc.

Les croyances d'antan racontaient que le Dieu Wirarocha fit sortir quatre frères et soeurs d'une grotte dans la montagne pour fonder l'Empire Inca. L'un d'entre eux, doté d'une grande force, effraya les autres qui décidèrent de le maintenir enfermé dans la grotte. Les larmes salées du prisonnier jaillirent de la montagne, donnant naissance aux salines.

Non loin, une famille s'occupe de son bassin.

Je croise le regard de cette femme. 

 

J'écrirai plus tard dans une lettre à une amie ceci :

"Ce n'est pas depuis le Pérou que je t'écris mais de la maison. 

J'avais besoin de temps pour poser les bons mots sur cet instant où j'ai croisé son regard.

Un regard que je ne cesse de regarder tant il me bouleverse, et en même temps, sans savoir comment l'apprécier tant j'ai la sensation en voulant le mettre en mots d'amoindrir sa force. 

 

Ce regard, c'est le chemin d'une vie façonnée par le temps. 

 

On y voit ces journées de dur labeur sous un soleil écrasant qui transperce la peau, quand ce ne sont pas ces nuits froides qui saisissent le corps à défaut des passions. 

 

On y voit ces rêves de gamine, ces promesses révolues, noyés par ces larmes salées qu'elle foule jour après jour. 

 

On y voit de la résignation, à moins que ce ne soit de la lassitude, face à ce monde qui change, alors que sa vie à elle ne change pas de celle vécue par sa mère.

 

J'aurais pu écrire ça si j'avais voulu faire dans le lyrisme. 

 

Et si… et si son regard était que notre jugement : à nous tous, des dizaines et des dizaines de touristes, qui étions présents face à elle, en hauteur derrière la barrière, appareil photo à la main, paparazzi inventés le temps d'un instant, qui l'observions comme un animal de foire, cherchant pour les uns à faire un selfie clamant "j'y suis", pour les autres la promesse d'un instant prétendument authentique et singulier.

 

Et si c'était nous, ces animaux de foire répétant ce même spectacle sans cesse, jour après jour, qui alimentions sans cesse son renoncement ?

 

A mieux y regarder, son regard est dur, implacable, il semble nous demander ce qu'est le chemin de notre vie plus que le sien. 

 

"Le regard des autres n'est guère le reflet de son image propre" écrivait Youcef Nemmar."

Sur cette impression, nous quittons le site, les rétines explosées à vouloir capter ces lieux particulièrement photogéniques remplis de détails.

Au déjeuner, nous discutons avec notre petit groupe.

Certains, nous décrivent leur ascension du volcan Mitsi (5820 m), le lendemain de leur arrivée au Pérou, sans acclimatation aucune, et de leurs difficultés à respirer et à tenir debout. D'autres nous racontent leur périple à la montagne arc en ciel, avec des gens malades le long du sentier en raison de l'altitude. Cela nous sidère que les agences autorisent cela : envoyer des gens à plus de 5000 m, sans connaissance des dangers du MAM, sans prévention aucune. Bref.

La journée se termine à la forteresse de Ollantaytambo.

Située en fond de vallée, elle est surtout célèbre pour avoir réfugié le guerrier Manco Inca qui de là-bas organisa la résistance après la chute de Cuzco. C'est ici, qu'eut lieu la dernière bataille, acharnée, entre incas et conquistadores.

Certains, aperçoivent le visage, de profil, du guerrier Manco sur la montagne avec en bonus une couronne sur sa tête... 

Les terrasses agricoles sont désormais assiégées par les touristes. Quand on interroge le guide sur le regain du tourisme après le confinement lié au Covid qui a duré près de 2 ans ici, il nous répond qu'en ce moment on est qu'à 50 % de la fréquentation d'avant Covid... Et beh qu'est-ce que ça devait être avant !

De nouveau on s'étonne de la perfection avec laquelle les pierres ont trouvé leur place, sans joint aucun, la taille de ces immenses blocs est parfaite. Ce sont de vrais légos, certains présentant même des sortes de clés d'arrêt afin d'emboîter les blocs, plutôt que de les accoler. Système d'une grande efficacité face aux séismes puisque les murs tenaient.

Le village éponyme en contrebas est l'un des derniers vestiges de l'architecture urbaine inca, avec ses bâtiments, ses rues et ses patios maintenus en l'état. Nous abandonnons le petit groupe et le guide ici, afin de flâner librement dans les rues et en attendant notre chauffeur.

La nuit tombe rapidement, cette journée, bien qu'en petit groupe et en van, a fait du bien. Sans doute n'avons-nous plus la patience, ou l'énergie, de visiter des villes sur plusieurs jours... Ce contact repris avec la nature, les villages perdus, et les vastes paysages nous a ressourcé. C'est dans un petit hâvre de paix que nous dormirons cette nuit avant de partir demain pour Chinchero.

Chinchero... un coup de coeur.

Perché à 3800 m d'altitude, le village historique est d'un charme singulier. Les lieux semblent avoir été figés dans le temps. Nous nous perdons un peu dans les rues, avant de rejoindre les terrasses incas de Chinchero, en passant par le marché s'installant sur la place principale. .

Nous nous émerveillons d'être témoins de ces multitudes scènes de vie.

Après plusieurs heures ici, à admirer le foisonnement sans pareil de couleurs et d'odeurs du marché où les villageois se parent de leurs tenues traditionnelles, nous rejoignons une collectivité de tisserandes.

 

Les femmes nous dévoilent tout le processus, du lavage de la laine, au filage en passant par la teinture. Nous ne pourrons en partir sans un plaid à la laine d'alpaca pour les prochaines soirées hivernales suisses...

Devons-nous quitter ce lieu sans parler des choses qui fâchent ?

Notamment de ce projet de construction d'aéroport international à Chinchero, qui ruinera sans nul doute l'authenticité vibrante de Chinchero ?

Non... Comme l'écrivait Chateaubriand dans ses mémoires d'outre-tombe : "Il faut dépenser le mépris avec une grande économie, à cause du grand nombre de nécessiteux."

Nous rentrons en milieu d'après-midi, et tâchons de nous reposer vu la journée qui nous attend demain !

Il est environ 3 h, le réveil sonne.

Nous quittons notre cocon, cet hôtel particulièrement charmant au personnel d'une gentillesse extrême, pour...

...près d'une heure de voiture d'abord...

...puis trois heures de train...

...puis une demie heure de bus...

...puis encore une file d'attente...

... arriver à l'entrée du Machu Picchu.

Pour la petite anecdote, il y a deux semaines de ça des touristes ont fait grève en bloquant les rails d'accès au site pour contester contre la limite de visiteurs journaliers. Cette dernière a été réhaussée et est déjà bien supérieure aux recommandations de l'UNESCO.

Nous sommes prévenus... nous serons loin de la quiétude rencontrée à Tikal.

Le Machu Picchu est une ancienne cité inca qui fut abandonnée au 16ème siècle avec la victoire des conquistadores sur les incas.

 

Le lieu étant loin de tout, et les espagnols convaincus que le site ne présentait aucun intérêt, il fut abandonné bien que les bergers des alentours en connaissaient l'existence. Que feraient-ils après tout de ruines enchevêtrées dans la végétation, nouvelle souveraine de ces lieux ?

C'est l'archéologue, ou explorateur comme il disait, Hiram Bingham qui s'intéressa particulièrement au site après en avoir découvert les ruines en 1911. Il faut alors imaginer dans quel état le site est, après près de 400 années d'abandon ! Convaincu par le grand intérêt de ce site, il entreprend le nettoyage du site.

Désormais, le site du Machu Picchu a été nommé comme l'une des Sept Merveilles du monde "moderne" et constitue l'une des oeuvres maîtresses de l'architecture inca.

Cette ancienne cité inca, dont le rôle demeure encore incertain, (résidence de l'empereur Pachacútec pour les uns, site religieux pour les autres, les deux à la fois pour les derniers) fait la jonction entre le mont Machu Picchu (signifiant vieille montagne) et le mont Huayna Picchu (jeune montagne). Son ancien nom aurait été Pikchu ou Pichol.

La montagne qu'on voit sur la majorité des photos, qui surplombe le site, comme ci-dessus, c'est Huayna Picchu. Certains y verront le profil d'un visage humain regardant vers le ciel.

Ce qui fait la richesse de ce site, au-delà de l'aspect historique, c'est véritablement l'écrin de verdure dans lequel il siège. Culminant à 2500 m d'altitude, la rivière Vilcanota-Urubamba a dessiné de nombreuses gorges et siège désormais en contrebas de falaises de près de 600 mètres de haut. L'ensemble, particulièrement aérien, subjugue.

C'est près de 200 édifices qui ont été construits sur cette crête de 500m de long et 200m de large. Deux grandes zones y sont présentes : la partie agricole, avec les mêmes terrasses que de cultures rencontrées les jours précédents, et la partie urbaine/sacrée.

Lors de la visite du site il faut faire attention car tout demi-tour est interdit, aussi il ne faut pas se tromper de bifurcation et prendre par erreur un raccourci ! Néanmoins, on est agréablement surpris par le fait qu'on ressent moins la foule que ce que l'on pouvait croire. Les gens se massent au premier belvédère, mais se dispersent rapidement dans les divers secteurs. Ces derniers sont d'ailleurs ouverts ou fermés selon les heures et selon la fréquentation du site aussi.

Des sortes d'assiettes en pierre au sol étonnent, a priori c'est ce qu'ils nommaient des miroirs d'eau et ça leur permettait d'observer les constellations sans ce faire mal au cou.

Dans la zone sacrée, dédiée à Inti, le Dieu Soleil (divinité principale chez les Incas, juste après Huiracocha le Dieu Créateur), sont présents le cadran solaire, ainsi que le temple du soleil reconnaissable à son mur rond (seul édifice pouvant être rond). 

Divers autels sacrificiels sont présents aussi, ainsi qu'un mausolée pour les momies.

 

Près de 150 squelettes ont été retrouvés, de tous sexes et de tous âges, résultant, peut-être, de sacrifices pour le culte du Soleil. 

Il est à noter que tous les édifices incas ont la base plus large que leur sommet : cela leur confère une meilleure résistance aux séismes. Une nouvelle fois, le parfait ajustement des pierres entre elles étonnent.

Certains bâtiments avaient dans la culture inca avait la forme d'animaux sacrés. Ici, est notamment visible le temple du Condor, aux ailes déployées. 

Tout ça c'est pour les descriptions factuelles.

D'un point de vue émotions et sentiments, nous devons admettre que nous sommes bien loin des avis dithyrambiques que l'on peut lire ou entendre. Oui c'est un beau site, sublimé par la nature l'entourant qui plus est, mais ne mérite nullement sa popularité.

Pablo Neruda écrivait :

« Machu Picchu es un viaje a la serenidad del alma, a la eterna fusión con el cosmos, allí sentimos nuestra fragilidad. Es una de las maravillas más grandes de Suramérica. Un reposar de mariposas en el epicentro del gran círculo de la vida. Otro milagro más. »

 

« Machu Picchu est un voyage à la sérénité de l'âme, à la fusion éternelle avec le cosmos, là-bas nous sentons notre propre fragilité. C'est une des plus grandes merveilles d'Amérique du Sud. Un havre de papillons à l'épicentre du grand cercle de la vie. Un miracle de plus. »

Pour lui, cette ascension vers le Machu Picchu permet de prendre conscience de l'unité du continent. Il se sent investi d'une mission, en tant que poète, de conter l'histoire de ceux qui ont dû quitter cette terre. Notamment les incas disparus dont il sent au Machu Picchu la présence.

D'autres, à l'image de Neruda, ressentiront une forme de plénitude, une forme de connexion avec le divin.

Pour notre part, et ce qui ne devait pas être le cas du poète, la foule, avec ses cris et ses sursauts, brisent toute possibilité méditative. Nous avons davantage ressentis de choses en nous à Tikal, avec son mysticisme, ou tout simplement, dans les temples orthodoxes géorgiens.

Nous aurons une pensée émue pour un chien pourchassé par des lamas, c'est la queue entre les pattes et le train arrière frottant le sol qu'il prendra la fuite... lui non plus n'a pas dû méditer énormément !

Au fur et à mesure de la matinée le site se remplit, nous devons jouer des coudes pour en sortir. Je me fais insulter lors de mon passage aux toilettes, bref. 

Nous rejoignons Agua Calientes, d'une laideur ineffable, pour manger et attendre notre train retour. 

C'est dans un bordel sans nom, et une cohue totale, que nous parvenons à embarquer dans notre wagon en direction de Cuzco... enfin... pas exactement en fait. Nous avons découvert à bord du train en discutant avec le contrôleur que nous allons être débarqués à environ une heure de route du centre historique de Cuzco ! Oups.

Contrairement à l'aller, nous pouvons cette fois-ci apprécier le paysage défilant par les fenêtres. Quelques glaciers apparaissent, surplombant cette gorge étroite dans laquelle nous filons. En les voyant, je ne peux m'empêcher de songer au trek et à l'ascension qui nous attend. Parviendrons-nous en haut ?

En attendant il faut déjà arriver à Cuzco, Marie fière d'elle a trouvé un chauffeur Uber. Nous nous rendons à son véhicule... qui demeure vide. Alors on attend, on lui envoie un message on voit qu'il le lit mais pas de retour. Bon attendons près de la voiture, après tout il va forcément revenir par là. Alors oui, il reviendra... en compagnie d'un autre client. Feignant nous pas voir il monte l'air de rien dans son véhicule... c'était mal connaître Marie qui le stoppe net. Une dispute démarre en pleine rue... Face à l'autre touriste ne comprenant pas tout. On le lui explique et propose qu'on se partage la course. Le chauffeur agacé finit par accepter... Le trajet se fera dans un silence absolu, peu importe, nous sommes de retour à Cuzco.

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«Le plus grand voyageur n'est pas celui qui a fait dix fois le tour du monde. Mais celui qui a fait une seule fois le tour de lui-même.»

Gandhi.

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