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Monts Rwenzori

 

01-08/02/2021

Distance : 85 km / Dénivelé : 6300 m / Durée : 8 j

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Départ pour Kilembe, le départ du trek.

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J'espère qu'avec la marche j'arriverai enfin à me vider la tête et déconnecter quelque peu des tracas du taff. Être bien sur mes pieds plutôt que d'être sur les dents.

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Hypnotisé par le défilement de paysage derrière la vitre, des pensées me quittent, d’autres s’ajoutent, enfin il y a celles qui un peu bancales finissent par se caler correctement à l’image de ces pierres dans le lit d’un torrent sous l'action de l'eau. C’est ça en fait, le voyage est un torrent qui vous traverse.

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On traverse Kilembe et voyons le chauffeur étonné et choqué... La ville n'était pas dans cet état la dernière fois... Depuis le torrent a eu le temps de dévaster les environs.

Des maisons à l'envers, défoncées, des ponts emportés bien loin, des blocs de pierre de la taille d'un éléphant éparpillés de partout... la route détruite. Il paraît que les inondations ici sont terribles, on veut bien le croire.

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Nous arrivons à l'agence de Rwenzori Trekking Services où nous rencontrons nos deux guides, Robert et Jack.

 

Ils nous présentent l'organisation générale et vérifient rapidement notre équipement... avant de nous offrir des parapluies... Ce massif, source du Nil, est connu pour être l'un des plus pluvieux au monde ! D'où son nom de "faiseur de pluie" ! On est prévenus !

C'est l'occasion aussi d'avoir un rapide descriptif des différentes étapes. En somme, le trek des Rwenzori c’est une ascension de près de 4000 m au cœur d’une nature d’une diversité indicible. L'approche pour le sommet est longue, afin de permettre la meilleure acclimatation possible, ce qui nous permettra de découvrir énormément de strates de paysages différentes : d'abord la forêt tropicale, puis une lande afro-alpine marécageuse, avant de rejoindre une section rocheuse puis les glaciers pour le sommet !

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Quelques mots sur le sommet justement, le Mont Stanley ou Pic Margherita culmine à 5109 m, ce qui en fait le troisième sommet d'Afrique (après le Kilimandjaro et le Mont Kenya). C'est un mont enneigé du massif du Rwenzori situé à cheval sur la frontière entre l'Ouganda et la funeste province du Kivu du Congo. Le sommet a été découvert en 1888 et gravis pour la première fois en 1906. 

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Ces montagnes ont également été nommées "Les montagnes de la Lune" par Ptolémée qui les considère à l'époque, sans que cela soit certain, comme les sources du Nil. Ce nom est lié au fait que le sommet est très souvent dans la brume nous disent les guides, et d'ailleurs, nous préviennent qu'on ne verra sans doute le sommet que quand on y sera !

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Décomposition des étapes :

J1. Trekkers Lodge Kilembe (1450 m) > Sine Camp (2598 m) : 10,4 km / + 1238 m / - 112 m.
J2. Sine Camp > Mutinda Camp (3588 m) : 6,5 km / + 1001 m / - 75 m.
J3. Mutinda Camp > Bugata Camp (4062 m) : 8,7 km / + 853 m / - 415 m.
J4. Bugata Camp > Hunwick's Camp (3975 m) : 8,4 km / + 603 m / - 662 m.
J5. Hunwick's Camp > Margherita Camp (4487 m) : 5,2 km / + 596 m / - 134 m.
J6. Margherita Camp > Margherita Peak (5109 m) > Margherita Camp > Hunwick's Camp :

13,4 km / + 941 m / -1415 m.
J7. Hunwick's Camp > Kiharo Camp (3430 m) : 13,4 km / + 740 m / - 1288m.
J8. Kiharo Camp > Trekkers Lodge Kilembe : 19,5 km / + 321 m / - 2187 m.

Jour 1

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Le trek débute en remontant la rivière Nyamwamba sous un soleil ardent. On surplombe quelques exploitations agricoles.

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On rejoint l'entrée "principale" du parc où l'on s'acquitte de nos droits de passage. C'est parti pour 8 j au coeur des Rwenzori !

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Cette première étape d'une dizaine de kilomètres nous conduit à Sine Camp situé à 2598 m. Elle se réalise entièrement dans la forêt équatoriale qui émerveille par sa richesse et sa diversité.

 

Les lieux, inscrits à l'UNESCO pour leur remarquable beauté, sont connus pour renfermer des espèces de plantes que l'on ne trouve nulle part ailleurs. De nombreux botanistes viennent ici pour les étudier. Cette forêt se révèle être une véritable "pharmacie" pour le peuple Bakonzo. Nos guides s'amuseront d'ailleurs à nous confier les bienfaits de chaque plante. "Ca c'est excellent contre l'anxiété", "Ca c'est bon contre la diarrhée", "Ca contre les migraines", "Ca pour les brûlures... inutile d'aller voir le médecin quand on connaît les vertus de la nature !"

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Les Bakonzo ont tiré leur autonomie de ce que les Rwenzori leur offraient. Du bois, des plantes aux multiples vertus, des animaux. Ils ont ainsi longuement coexisté avec leur environnement. Malheureusement, les guerres civiles successives ont poussé certains guérilleros dans les montagnes, face à la famine qui sévissait dans les plaines, la montagne a été vidée de sa faune... Il ne reste a priori plus qu'un léopard et cinq éléphants forestiers ! Peu à peu certains animaux reviennent, tels que des singes ou antilopes, maintenant que le parc est protégé.

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Au cours de cette marche j'apprécie tous ces sons simples : celui de l'eau qui s'écoule et qui se fraie un chemin, celui des oiseaux et des singes, celui des feuilles sous la légère brise... Une forêt incroyablement vivante.

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Notre camp surgit, camouflé dans la forêt, nous sommes agréablement surpris de la qualité des infrastructures.

 

Du fait de la Covid nous serons les seuls étrangers à dormir ici... on profite ainsi de tout un dortoir pour nous seul !

Une nuit claire, le murmure de la nature, la chaleur de Marie calée dans le creux de mon épaule, quelques mots. Bonheur est un mot bien maigre dans ces moments-là.

Jour 2

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L'objectif du jour est de rejoindre le camp de Mutinda à 3588 m. 

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Après avoir continué en pleine forêt un temps, puis après avoir traversé une singulière bambouseraie, les premières cimes du massif nous saluent.

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Ces bruyères géantes drapées de mousse barbue m'amusent. Du moins, davantage que le sentier, étroit, tantôt boueux, tantôt végétal, qui slalome là où il pourrait filer droit et qui taille par la pente la plus ardue les reliefs qu’il aurait pu contourner. Mais gare à celui qui voudrait couper hors sentier… Ce n’est peut-être pas le sentier le plus facile mais c’est le plus sûr...

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Le directeur de l'agence de trek nous avait promis qu'on trouverait en ce massif une flore bien plus impressionnante qu'au Kilimandjaro... On avait cru d'abord à un argument commercial, on ne peut désormais que s'accorder à ses dires.

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La flore alpine qui sied au-delà de 3500 m d'altitude nous offre une magnifique étape. Avec les précipitations abondantes, la lande afro-alpine éblouit par son exubérance. Les Lobelias et Séneçons géants habillent les contreforts granitiques, prenant parfois un aspect spectral lorsque la brume les enveloppe. Ce lieu renferme la flore montagnarde la plus riche et la plus rare du continent africain.

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On ne sait où donner de la tête. Devant notre joie non voilée, les guides nous demandent comment sont nos forêts et en quoi ça diffère. On essaie de leur montrer quelques photos, de leur dire que les conditions météorologiques étant totalement différentes il en va de même pour la végétation.

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D'ailleurs, dans nos échanges avec le guide, concernant nos pays respectifs, je ressens une certaine gêne par moment.

 

Quand il nous explique par exemple qu’en Ouganda l’école est obligatoire mais que peu de familles ont les moyens de payer les droits d’entrée de 2 $/an… Je crois d’abord avoir mal compris quand il nous dit ça tant le montant semble dérisoire, mais ici ce montant représente beaucoup. Tant de choses qui nous semblent normales, car acquises depuis des décennies en France, ne le sont pas ici.

 

Les exemples sont nombreux, il n’y a pas de notion de congés payés ou de chômage ou de sécurité sociale évidemment, le salaire moyen est de 60 $/mois… Vient alors le moment où, curieux, il nous demande comment c’est en France.

 

A nous d’expliquer alors que l’école publique est gratuite, qu’il y a les congés payés, les 35 h, le droit au chômage, la sécurité sociale, que le salaire brut médian est d'environ de 2100 $/mois. Pour cette dernière information, on la tempère en précisant que le coût de la vie en France n’est pas le même qu’ici…

 

« C’est pour cette raison que tant de personnes veulent aller en France ? Mais tout ça n’a pas un coût ? Il n’y a pas un risque de payer pour les autres ? »

 

On lui explique alors comment fonctionnent les impôts, en fonction du revenu, et sa redistribution. On ajoute également que, bien qu’ils soient nombreux à vouloir venir en France, c’est loin d’être facile pour tout le monde… Il y a les HLM pleins, il y a les sans-abris, le chômage, les problèmes d'intégration. Certes les problèmes ne sont pas les mêmes mais penser que tout le monde vit merveilleusement bien en France est faux.

 

A un autre moment, je ne sais plus à quel sujet, le guide répond à Marie d’un air triste « oui mais on n’est pas en France ici, en Ouganda c’est comme ça », on lui répond alors que peut-être un jour ça changera... Il nous lance un « Oui, qui sait… » incrédule.

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Les élections présidentielles en Ouganda ont eu lieu peu de temps avant notre arrivée, elles ont été marquées par quelques manifestations sanglantes puis par mise sous cloche du pays : médias censurés, réseaux sociaux bloqués, intimidations, etc. Le président déjà en place a été, sans surprise, réélu. Certains ougandais veulent du changement. D'autres sont heureux que le président reste inchangé après avoir connu le régime barbare de Idi Amin Dada et les longues années d'instabilité qui ont suivi. Puis il y a ceux incrédules qui pensent que quel que soit le président ça ne changera rien à leur situation.

 

J’imagine déjà la réaction de certains à mon retour, de me demander à quoi ça sert de voyager alors qu’il suffit d’aller sur internet pour. Je ne sais pas quoi répondre à ça, il faut peut-être qu’ils le vivent pour comprendre. Comprendre que ça peut servir à saisir un peu mieux l’état du monde, ses disparités, et qu’il est plus facile de le faire en se déplaçant qu’en attendant un reportage au JT de 20 h comme on attend Godot.

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Arrivés au camp, les guides nous ont concocté une surprise...

 

L'ascension de la Mutinda Tower qui culmine à 3975 m et dont le sentier est particulièrement raide et complexe !

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Petite course d'acclimatation qui nous achève ! Et encore, on a une chance incroyable de ne pas avoir encore eu de pluie lors de nos marches... Je n'ose imaginer ce que ça serait sinon.

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L'arrivée à ce sommet se fera sous la brume... Tant pis ! On redescend au plus vite !

Le soir, les guides nous racontent un peu l'histoire des lieux et les différentes coutumes et croyances.

 

Les gens d'ici croient en la divinité Kitasamba, le Dieu assis au sommet de la montagne et chargé de veiller sur elle. Robert nous explique que si on se comporte mal alors la montagne nous punira et inversement : si on a été bon alors la montagne sera bonne avec nous. Les différentes communautés font des offrandes à Kalisha, le fils de Kitasamba, qui a pour mission de prendre soin de la faune de la montagne.

Quand les gens souhaitent faire une demande à Kitasamba, ils allument un feu : si la fumée monte droit c'est que la divinité les écoute, sinon c'est qu'elle les ignore.

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Après avoir remarqué que les guides parlaient entre eux en anglais, on leur demande pourquoi. Ils nous expliquent que dans le pays il y a trois tribus principales et qu'il y a près de sept langues parlées ! Du coup, l'anglais étant la seule langue commune à toutes les tribus, puisqu'enseignée à l'école, il n'est pas rare qu'ils conversent entre eux ainsi.

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Ils nous racontent également qu'il existe une musique pour chaque évènement de la vie : naissance, mariage, décès etc. Pour un décès par exemple, la musique est jouée durant sept jours pour un homme et cinq pour une femme. 

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C'est avec toutes ces infos que l'on rejoint le lit et essayons de dormir...

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Jour 3

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Aujourd'hui, l'objectif c'est le camp Bugata à 4062 m.

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On continue donc à s'élever et découvre une nouvelle strate de paysage, la végétation est moins haute et laisse davantage de place à la minéralité des lieux.

 

C’est fou comme la montagne accapare mon attention, me propulse hors de l’instant. Il y a toujours une fuite quand on voyage, une prise de congé du quotidien. Ca fait du bien, ça permet de faire le ménage dans ses méninges : d’ouvrir des portes qu’on croyait fermées, de remettre les feuilles tombées par terre sur la bonne étagère.

 

La marche a de précieux et de salubre cette capacité à affiner notre regard sur l’existence. Elle nous prépare à accueillir en nous un élargissement de la réalité. Réalité qui a toujours été là, mais qui pouvait être occultée par le quotidien. La marche enseigne un point essentiel, « être » plutôt que faire.

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Le sentier, particulièrement technique et complexe, nous prouve que l'ascension du Kilimandjaro était véritablement un "parcours de santé". N'en déplaise au couple de français qu'on avait rencontré là-bas. Il est important que l'ascension du Mont Stanley soit réalisée par un public averti ayant le pied montagnard... On ne le dira jamais assez.

Après des heures incertaines, le ciel a fait sa toilette, les bouloches blanches déposées, il nous toise d’un bleu pur.

Cette étape fait la part belle aux variations de lumière.

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Nous arrivons pour le déjeuner au camp qui surplombe la vallée en U, typique d'un passé glaciaire.

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Le soir, l'éternel rituel de la soupe...

On échange de nouveau avec les guides sur les coutumes du pays, le mariage et la dot, la polygamie qui tend à se raréfier, l'homosexualité toujours proscrite...

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Jour 4

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En marche pour Hunwick's Camp situé à 3975 m... Bien qu'il soit à une altitude moins élevée, cela ne signifie pas qu'il n'y aura aucune montée ! Loin de là... Ici ça monte et ça descend non stop !

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Pour atteindre le camp il faudra franchir le col de Bamwanjara à 4450 m.

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Une nouvelle fois, malgré le ciel qui noircit, les paysages que l'on traverse me séduisent sans ambages.

 

J'aime particulièrement cet équilibre entre l'aspect végétal et minéral du lieu. Quand on pense que l'un prend le dessus, l'autre nous rappelle qu'il est toujours bien présent également.

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Cela confère de jolis contrastes, d'un côté un camaïeu de vert plein de vie, de renaissance, d'espoir, vulnérable et éphémère ; de l'autre des nuances mornes et revêches de gris emplies de grandeur et de solennité, insensibles au passage du temps, immortel et éternel.

Du moins, je le perçois ainsi. 

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L'arrivée au col est à l'image de l'arrivée au sommet de la Mutinda Tower... Brumeuse.

Néanmoins, on a tout de même une vue sur ce qui nous attend... Une longue descente et la traversée d'une clairière qui semble bien marécageuse déjà de loin...

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A notre droite, de hautes falaises d'une noirceur sans égale nous toise, les lieux semblent de moins en moins amicaux... et cela ne s'arrange pas avec notre première pluie ! Les guides sortent les parapluies, Marie son poncho, pour ma part je mise tout sur la gore-tex et me grogne dessus après avoir décidé ce matin d'enlever le surpantalon du sac.

Le sentier, fait de dalles en pierre, de racines et de mousses spongieuses, est d'un casse figure phénoménal... La pluie est froide, j'ai le pantalon détrempé.

 

Je deviens quelque peu grognon, qui plus est en pensant à mon sac qu'ont les porteurs et dans lequel j'ai oublié de ranger mes affaires dans le sac poubelle pour les tenir à l'abri de l'eau. Je me maudis "pile le jour où tu fais pas attention, il flotte".

Une seconde d'égarement et Kitasamba me rappelle à l'ordre ! 

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Je songe à ce couple d'allemands, qui nous a précédé, qui n'a connu que de la pluie tout au long de leur trek... Je n'ose imaginer la frustration de traverser de tels paysages sous la brume ou la pluie. 

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Après deux heures de forte pluie, nous nous abritons pour manger un bout. Par chance, le soleil reviendra nous lécher le visage et nous encouragera à terminer cette étape.

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Peu à peu, avec les éclaircies, le paysage se révèle, notamment les abords du lac Kachope. Au loin (très loin) on aperçoit un village congolais, je cherche toujours le Mont Stanley mais c'est peine perdue... Toujours caché !

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Encore quelques descentes et montées successives, quelques traversées de marécages, avant de rejoindre le camp surplombant un cirque. Je ne peux m'empêcher, à tort, de comparer ce trek avec celui du Kilimandjaro. Je dis à tort car ce n'est évidemment pas comparable... D'un côté un volcan isolé, de l'autre un grand massif granitique. Le seul point commun c'est qu'ils soient tous les deux situés en Afrique et qu'ils permettent d'aller à plus de 5000 m. Mais si on se base sur ce seul point commun, qui est la raison principale pour laquelle les gens tentent le Kili, incontestablement, il est préférable d'aller dans les Rwenzori offrant une diversité de paysages sans pareille. En revanche, l'effort à fournir est également incomparable avec le Kili !

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Doux plaisir de profiter du poêle dans la salle commune... Profiter d'une bonne chaleur alors que les vêtements sèchent un peu partout.

 

"Robert, comment vous avez fait pour amener ce poêle ? Par hélico ?"

"Non à dos d'hommes !"

"C'est pas possible, ça pèse combien ??"

"70-80 kg ! Une vingtaine de personnes se sont relayées pour le monter jusqu'ici, chacun le portant seul 1 minute durant avant de le passer au suivant. Tout ce que vous voyez a été monté ainsi"

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Je me remémore tout ce qu'on a parcouru jusqu'à maintenant, les tronçons de boue, les descentes glissantes, les passages techniques, les échelles ou cordes à grimper, l'altitude aussi... alors avec 70 kg sur le dos ! 

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On se rapproche du moment fatidique du sommet, à vrai dire c'est notre dernière vraie nuit avant l'ascension.

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Jour 5

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L'objectif du jour c'est le camp de Margherita à 4487 m, le camp le plus proche du sommet.

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Peu de kilomètres aujourd'hui, histoire de nous laisser le temps de nous exercer un peu à la manipulation des cordes et de nous reposer.

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Le sentier serpente entre un lac et de hautes falaises. 

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La météo, pourtant connue pour être imprévisible ici, est étonnamment fidèle aux prévisions que l’on avait pu trouver en France sur le site meteoblue. Ce qui vaudra la moquerie de nos guides au début « dans les Rwenzori c’est impossible de prévoir le temps ! » « Pourtant ça ne s’est jamais trompé pour le moment ». Même s’ils ne nous croient pas on sent que leur curiosité, ou leur fierté, a été piquée au vif.

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"Et pour aujourd'hui ils ont prévu quoi ?"

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On franchit un joli col sous la grêle. En peu de temps le sol revêt une couche blanche et glacée. Le camp nous confère un abri salutaire.

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Les guides nous expliquent un peu mieux comment va se dérouler l'ascension, les différentes manipulations qu'on devra réaliser et les différents tronçons à traverser.

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Ils nous mettent en garde sur le timing de la montée et du retour au camp de Hunwick's. 

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Ils voudraient qu'on prenne une journée de plus pour la descente, ce qu'on refusera après un petit temps de discussion.

 

Au-delà du fait que les deux guides ne sont pas d'accord sur les délais de marche (l'un étant très pessimiste et l'autre peut-être trop optimiste), on a des réservations pour après le trek et l'ajout d'une journée viendrait quelque peu chambouler tout ça. Ne comprenant pas trop le problème, sachant que le mental prendra le dessus si nécessaire, on leur dit que pour nous pas de problème pour revenir jusqu'à Hunwick's, même si cela doit se faire de nuit, excepté si les conditions météorologiques ne le permettent pas.

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On gagne notre dortoir, on prépare nos affaires, ne garder que l'essentiel. Je dois admettre que, comme d'habitude, l'anxiété me prend. Je doute... je ne suis pas à l'aise, j'ai peur d'un rien, d'avoir froid, d'avoir chaud, de ne pas y arriver. Bref. Je croise les doigts pour que la météo soit clémente. Il paraît que le couple d'allemands a fait l'ascension sous une tempête de neige... décidément, je ne sais pas ce qu'ils avaient fait mais la divinité de ces lieux était énervée après eux ! 

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Sur ce, dodo... Départ prévu pour 2 h du matin.

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Jour 6

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Le réveil sonne.

On s'extirpe, déjà habillés, de nos sacs de couchage.

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Marie a été malade toute la nuit et est incapable de manger ou de boire quoique ce soit. La montée s'annonce bien.

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On s'équipe, on s'harnache, on s'encorde.

Frontales allumées, c'est parti.

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Au cœur de la nuit, concentration et égarement se mêlent. Peu à peu on prend de la hauteur, on devine au loin l’effort qu’il nous reste encore à faire. Par moment, le vent siffle, autrement c’est le silence.

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Les hauts sommets surgissent autour de nous. Ainsi dressés vers les cieux, pour cierges ces milliers d’étoiles avec la brume les enveloppant, ils semblent prier.

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Je nous sens comme des intrus entrant dans un lieu sacré.

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Peu à peu on arrive au pied du dernier glacier qui se dresse, raide, devant nous.

Les premiers rayons nous saluent, l'aube claire présage une belle vue de là-haut.

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Le glacier est de bonne qualité, faiblement crevassée, facilitant sa remontée. Sur sa partie supérieure, le Congo apparaît en contrebas.

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Marie tient bon, malgré l'absence de sommeil, sans la prise d'eau ou de nourriture aussi. Sur la dernière section, totalement rocheuse, je la vois lutter à chaque pas. 

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Pour la première fois depuis le début du trek on aperçoit le sommet ! La récompense ! Véritable point d'orgue de cette longue ascension.

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Je songe aux mots de Gaston Rébuffat :

« Quiconque n’a point pratiqué les montagnes du premier ordre se formera difficilement une juste idée de ce qui dédommage des fatigues que l’on y éprouve et des dangers que l’on y court. On se figurera encore moins que ces fatigues mêmes ne sont pas sans plaisir et que ces dangers ont des charmes ; et il ne pourra s’expliquer l’attrait qui y ramène sans cesse celui qui les connaît, s’il ne se rappelle que l’homme par sa nature aime à vaincre les obstacles ; que son caractère le porte à chercher des périls, et surtout des aventures. »

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Assis au sol j’observe les reliefs, ces houles minérales disparaissant dans l’écume laineuse et brumeuse de l’éther. Le temps file, en mots, en photos, puis s’empresse d’enfouir ces instants dans nos souvenirs, où on s’empressera d’aller les retrouver un jour.

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On mesure la chance que l'on a de vivre cet instant sous un ciel immaculé. Même les guides n'en reviennent pas ! "Voilà des mois et des mois qu'on n'a pas fait une seule ascension avec un sommet dégagé ou ne serait-ce qu'une éclaircie durant le trek !"

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Marie se réhydrate de nouveau, mange, bouchée après bouchée, lentement certes, mais c'est toujours de l'énergie récupérée... car la journée est loin d'être finie... Il y a encore toute la descente pour rejoindre le camp de Margherita puis le camp de Hunwick !

 

Après une petite heure au sommet, le fracas de pierres chutant non loin de nous inquiète Robert et le convaint de hâter la descente. 

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Sans encombre on rejoint Margherita Camp à 14 h, quelque peu lessivés.

On prend 1 h de pause pour se déséquiper, se restaurer, refaire les sacs.

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C'est sous une pluie battante que l'on part pour le camp de Hunwick. Pas bien grave pour le mauvais temps, on ne reprend qu'en contre sens l'étape vue la veille, et puis... le sommet ensoleillé valait bien cette pluie !

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Des hautes falaises qu'on longe, pourtant sèches la veille, se déversent de multiples cascades... De véritables torrents qui se jettent dans le vide... et qui noient littéralement le sentier. Nous nous improvisons alors funambules pour les traverser, nous aidant de la moindre aspérité permettant de prendre de la hauteur. Le niveau des lacs voisins s'élève et nous atteigne. On est un peu entre le marteau et l'enclume.

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Après cette longue, trop longue, journée de marche nous arrivons enfin au camp au crépuscule. Nous aurons marché près de 15 h aujourd'hui, aussi, ce n'est pas sans un certain soulagement que nous retrouvons le lit.

Jour 7

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Aujourd'hui on rejoint le camp Kiharo situé environ 1000 m plus bas... Mais cela ne signifie pas qu'il n'y aura aucune montée... On commence à être habitués, ici tout est montées et descentes successives. Aussi, il faudra, avant de rejoindre le camp, franchir le col Oliver et pour ce faire s'élever !

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Dans la montée, on aperçoit au loin le Mont Stanley, et plus précisément, le Pic Margherita. Bien que l'ascension ait été faite la veille au matin, elle nous semble quasi irréelle, pure songerie.

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Quand je ne regarde pas mes pieds, j'observe tout ce qui m'entoure, j'essaie de graver les moindres détails pour pouvoir y retourner en pensée un jour.

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Il y a une section peu de temps après le franchissement du col vraiment merveilleuse. Une forme de désordre ordonné. J'apprécie tant la texture de ces lieux, leurs contrastes, ce qu'ils dégagent aussi.

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La pluie nous salue brièvement, j'essaie de guetter le camp... Mais rien.

 

Les guides nous ont prévenu à de nombreuses reprises que cette journée nous paraîtrait longue... Ils n'ont pas tort. J'ai hâte d'en finir. Comme si, l'épreuve principale (le sommet) étant surmontée, le corps lâchait et pliait sous la moindre difficulté qui pourtant n'aurait su me faire vaciller deux jours plus tôt. Maintenant que la récompense a été consommée, j'aimerais pouvoir me téléporter à Kilembe.

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Et on monte, et on descend. La fatigue prend le dessus, la lassitude aussi.

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Jack nous explique qu'avec les importantes pluies des derniers mois, une partie des sentiers a disparu sous des éboulements. C'est près d'une vingtaine de kilomètres de sentier qui a dû être réhabilité. Ils ont même découvert une nouvelle zone, le long des cascades, qu'on parcourra demain.

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Au camp, on ne sera pas seuls, pour la première fois nous croisons des touristes, des suisses, le père et sa fille. Ils sont venus non pas tenter le Mont Stanley mais le pic Weissmann. Oui, les Rwenzori ce n'est pas que le Mont Stanley, c'est tout un tas d'itinéraires et de sommets... Les possibilités sont nombreuses et permettent d'embrasser pleinement le massif.

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On échange nos déboires, nos surprises, nos lassitudes de la soupe et du porridge !

Après quelques rires, après le briefing, retour au dortoir pour nous dernière nuit dans les Rwenzori.

Jour 8

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C'est parti pour Kilembe, la dernière étape.

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On retrouve la forêt équatoriale, le sentier est mou, ça soulage les articulations.

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Le sentier longe la rivière, on passe de cascade en cascade.

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Il paraît que dans une dizaine d'années les glaciers auront disparu de ce massif.

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Sur le retour on croise des villageois, on apprendra plus tard que l'agence de trek participe activement à l'aménagement du village avec notamment la construction de l’école, de routes, mais aussi en embauchant bon nombre de locaux dans l’entretien des camps, des sentiers et en tant que porteurs.

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Ce trek, et les retombées économiques associées, procure un important moyen de subsistance pour les locaux. Mais aussi pour les espèces, à présent protégées.

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Doucement on retrouve la civilisation, alors qu'on attend notre chauffeur pour rejoindre Queen Elizabeth je pense à nos guides qui parcourront de nouveau ce trek très prochainement. Quand on leur a demandé combien de fois ils avaient fait l'ascension; ils rigolèrent "On ne compte même plus ! On aimerait voir d'autres montagnes mais c'est trop compliqué, ça coûte trop". Je trouve ça si regrettable que des amoureux comme eux, de la montagne et de ce qu'elle offre, ne puissent en découvrir de nouvelles.

Je dois admettre que je me suis attaché à ces guides et ce n'est pas sans tristesse que je les vois s'éloigner par le pare brise arrière. 

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On a tant apprécié leur professionnalisme, leur gentillesse et leur bonne humeur.

Des guides en or, vraiment, un grand merci à eux pour cette belle aventure !

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Sur la route pour Queen Elizabeth, on se laisse bercer...

Ca fait du bien de se déplacer sans effort.  

Ca fait du bien aussi de prendre son temps, ou plutôt de le regarder passer et d’en faire quelque chose.

Les montagnes laissent place à la savane...

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«Le plus grand voyageur n'est pas celui qui a fait dix fois le tour du monde. Mais celui qui a fait une seule fois le tour de lui-même.»

Gandhi.

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