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Parc National de Kibale
31/01/2021
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Avant d'arriver à Kibale il a fallu prendre l'avion... eh oui... Et si ça pouvait paraître normal il y a quelque années ça l'est moins désormais. Une nouvelle fois, jusqu'au dernier moment, il y a eu un doute sur le fait de pouvoir partir. D'abord on a avancé nos congés d'une semaine, puis on a dû changer de compagnie aérienne quelques jours avant. Alors qu'on est au comptoir d'enregistrement Castex annonce les nouvelles mesures sanitaires... On passe les contrôles de sécurité au moment même où il déclare que les frontières fermeront dans 24h. Rapidement il faut prendre une décision, au comptoir d'embarquement on décide, pour une fois, de faire fi des annonces et de partir... Dans le fond, là-bas on sera en pleine nature, la distanciation sociale sera plus facile à respecter qu'en restant à Paris !
Le voyage a cela de merveilleux que de nous faire rêver avant même de le débuter. Certains pays tels que l’Ouganda ont des noms évocateurs, ils résonnent d’une manière ou d’une autre et suscitent déjà en nous des émotions.
Dans l'avion, le hasard fait que parmi les médias proposés, il y a un documentaire sur les gorilles des montagnes... Patience ! Par le hublot, les montagnes du Simiens étalent leur beauté minérale. Il est regrettable que le conflit dans le Tigré ait repris tant ce coin d'Ethiopie mériterait le détour. Je songe alors au reportage photo de Vincent Munier sur les plaines d'Abyssinie... Des terres qui inspirent tant.
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Peu à peu la beauté minérale cède à la beauté végétale... on arrive en Ouganda, le réservoir d'eau de l'Afrique de l'Est. On est accueillis par une chaleur humide... s'ensuivent désormais 6 h de route en direction de Kibale. Après près de 24 h de voyage, et tandis que la France ferme ses frontières, nous arrivons au Lodge d'Isunga tout somnolents.
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Un lit, enfin, on s'endort bercés par le bruit de la nature.
Le réveil sonne, un réveil d'outre-tombe.
Arrivés ici de nuit on n'avait pu mesurer pleinement les paysages qui nous entouraient. C'est chose faite, on se croirait dans un jardin botanique tant la diversité florale est grande. Apaisant, c'est le mot parfait pour décrire ce lieu et on en avait bien besoin en ce moment.
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On patiente sur la terrasse en attendant notre chauffeur qui doit nous emmener au parc national de Kibale connu pour ses chimpanzés, nos plus proches "cousins". On y entend oiseaux, bourdonnements, les feuilles caressées par le vent, quelques voix d'enfants au loin. L'appel de la nature.
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Sur la route vers l'entrée du parc, je reste suspendu à la vitre, des plantations de thé et de bananiers à perte de vue, puis les eucalyptus nous avalent.
Je songe aux mots de Jane Goodall qui écrivait :
"L'être humain mis à part, le chimpanzé est le plus fascinant de tous les animaux. C'est du moins mon avis."
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A la porte d'entrée du parc, rapide briefing, au milieu des babouins, avant d'entamer la marche. Ce sont d'abord les Colobus qui se laissent observer mais rapidement on entend les cris des chimpanzés au loin... Peu à peu on vient à leur rencontre.
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Habituellement, les chimpanzés sont très actifs le matin, passant d'arbre en arbre, pour s'alimenter et l'après-midi se papouillent, se reposent au sol. Il est possible de partir à leur rencontre soit sur le créneau du 8 h, soit sur celui de 14 h (ce qu'on a fait).
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A un moment donné je décide de poser l'appareil photo et de profiter, de scruter la moindre de leurs réactions... leurs mimiques sont si expressives.
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Les regarder est troublant et comme les humains ils ont chacun leur personnalité. Là-bas le flemmard étendu de tout son long, alors que son congénère lui gratte le dos et lui croque ses poux. Là, deux bébés, curieux mais peureux, ils se cachent mais gardent un oeil sur nos faits et gestes. Là-haut, il y en a deux qui font la course, ils sautent de branche en branche, parfois une erreur d'appréciation et c'est la chute, bien que rapidement maîtrisée. Des branches tombent sur leur passage, gare à la tête ! Au milieu du sentier, le solitaire satisfait son ventre. Certains prennent la pose, on croirait presqu'ils nous sourient.
Il y a quelque chose qui me fascine chez ces chimpanzés. En les regardant je ne peux m'empêcher de me demander à quel moment ça a loupé avec l’espèce humaine. Il y a dans leurs regards une intensité singulière. Ils se promènent, se câlinent, se nourrissent. Ils suivent leur nature et se satisfont de la vie qu'elle leur donne.
Quand je regarde l’espèce humaine j’y vois une forme d’aspiration à se propulser sans cesse en dehors de sa condition, à la dominer, d’abord pour sa survie, puis par facilité, et bien que ses désirs soient assouvis les uns après les autres, son insatisfaction perdure toujours. Le fameux, "toujours plus".
Je ne peux pas m’empêcher de me dire que le défaut de l’espèce humaine a été son extrême intelligence, ou plus précisément la conscience aigüe qu’elle a de elle-même et de ce qui l’entoure : son hypersensibilité.
Ce qui est paradoxal, c’est que le moteur de cette conscience est la quête du bonheur, et lorsqu’elle atteint son paroxysme, on réalise qu’elle est en réalité un frein.
Plus on sait, moins on est heureux.
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Pour en revenir aux chimpanzés, bien qu'ils ne l'aient pas connu, ils sont quelque peu la digne représentation de la philosophie de Spinoza. Ce dernier, dans ses oeuvres, nous appelait à vivre en harmonie avec notre nature où le soi conscient disparaît.
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98 % de ressemblance c'est ça ? Sacrés 2 % restants...
Tient, la pluie se met à tomber, à cet instant en tout cas, chimpanzés et humains ont eu le même réflexe : celui de se mettre à l’abri.
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On a eu beaucoup de chance, d'une on les a trouvés en un temps record et de deux on a pu les observer au sol, pendant un moment, avant que la pluie arrive !
Avec cette dernière, n'aimant pas avoir les fesses humides, ils filent se cacher dans les arbres. Il devient alors compliqué de les observer !
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C'est avec des souvenirs singuliers que nous retournons à Isunga.
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Le village le plus proche, dont le nom est méconnu par Google, est caché au coeur d'une bananeraie d'où partent des vélos croulant sous les régimes de bananes.
Un fruit excellent pour la satiété… qui est, avec l’eau, une véritable richesse pour ce pays. D’ailleurs, pour la petite info, l’Ouganda est le plus grand consommateur de bananes par habitant avec près de 500 kg par an et par habitant ! Tu en es encore loin Papa !
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On profite de la soirée dans ce grand jardin, avec tous ses petits bruits.
Demain c'est le départ pour le trek dans les Rwenzori....