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Jordanie

Trek - Du Wadi Rum à Pétra - 5 j

 

Voilà embarqué dans l’avion pour la Jordanie quittant Marseille pour un temps, histoire de dépayser un bon coup après tous ces changements de début d’année ! Au fur et à mesure que seule la Méditerranée soit visible de là-haut, je songe à ce plaisir que de partir dans un pays inconnu : écrire, photographier, apprendre, observer, comprendre. Ce sont de véritables parenthèses d’inattendues. Mais en attendant, je profite de la lumière bleutée entre ciel et mer.

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Bon alors évidemment, la Jordanie quand on la situe sur une carte ça fait pas envie, surtout en ce moment… Ce n’est pas comme s’il y avait la Syrie et l’Irak comme voisins, ou encore l’Israël et l’Arabie Saoudite. C’est un peu le triangle des emmerdes en fait. La Jordanie a d’ailleurs vu sa fréquentation touristique diminuée du fait des évènements de ces dernières années. Mais bon, on n’est pas responsable de ses voisins après tout.

Le survol de la côte marocaine est plaisante, il faut imaginer une mosaïque de champs de couleurs différentes tantôt traversés par un fleuve qui ondule avec au loin la côte rectiligne qui tranche et marque la frontière entre terre et mer.

 

Escale à Casablanca où j’attends l’avion pour Amman... je croise les doigts et espère que mon sac suivra bien... toujours le point stressant.

 

Surtout quand une fois dans l’avion tu vois les mecs mettre les valises en soute... et que tu as l’impression qu’ils sont perdus. Ils s’engueulent entre eux, ils chargent et déchargent des valises, certaines restent au sol... Hyper rassurant cette scène pour moi qui a déjà les chocottes... Vivement Amman que je récupère le sac... ou pas ?

 

Quelle ne fut pas ma désolation en voyant qu’il n’y avait pas de télé individuelle... pour 6 h de vol... Quand tu te retrouves réduit à faire une cinquantaine de niveau Candy Crush c’est vraiment le signe que tu te fais chier.

 

Enfin j’arrive, vais-je récupérer mon sac... le passage aux douanes dure une éternité... c’est pas possible ils vont retirer les sacs du tapis...

 

Enfin je passe, je constate au loin le tapis arrêté, des sacs au sol, abandonnés.

 

Enfin je récupère mon sac.

 

L’arrivée à l’hôtel se fait tard, ou du moins tôt puisqu’il est 2 h du matin, tout dépend du référentiel choisi.

 

Je prépare les sacs et constate, après m’être fait tremper les pieds, qu’il manque à la poche à eau sa tétine. Bon bah ça c’est fait... heureusement que j’ai pris les gourdes !

 

Bon allez dodo, je me lève tôt après tout...

Le muezzin qui chante la prière à 4 h du matin n’est pas une légende... Des extraits d’OSS 117 me viennent à l’esprit avec cette scène culte de Jean Dujardin.

 

J’entends la pluie frappée les fenêtres sous un vent battant. « Oh merde... »

 

En allant au petit déjeuner, je passe devant une chaîne d’informations qui montre les excès de violence des gilets jaunes. Je me demande alors comment les jordaniens voient la France et les français.

 

Je monte dans le bus, glacé par ce vent violent qui n’a rien à envier au mistral... je redescends pour récupérer dans le coffre ma doudoune, mal m’en a pris, un mauvais geste ou autre me déclenche un éclair du cou à l’extrémité de l’épaule droite. Décidément ces derniers temps, les contractures c’est mon dada...

 

Le bus se faufile dans les méandres des rues d’Amman, bordées de façades quasi identiques en pierre de taille blanche quand sortis de nulle part deux buildings vitrés en construction surgissent. Ça semble être les quartiers riches.

 

Allez direction le wadi rum pour le début du trek...

 

Durant ces heures de route, on traverse de grandes étendues désertiques blanches/beiges. Il n’y a que de la roche et du sable ici, de temps en temps des échoppes. J’ai toujours du mal à croire quand je vois ce genre de paysage que des hommes puissent y trouver refuge. Que trouvent ils ici où tout semble plus difficile ?

 

Par moment on plonge dans de véritables brumes sableuses où tout disparaît. Ambiance monochrome garantie, points beiges sur fond beige.

 

Moi qui commençait à m’endormir face à cet horizon monotone et totalement plat, voilà qu’au détour d’un virage on débouche sur une immense vallée prenant des tons de rouge. Le paysage se durcit et offre tantôt des reliefs ciselés et aiguisés tantôt des reliefs adoucis et onduleux.

 

J’observe toutes ces falaises sculptées par les éléments : voilà mon nouveau terrain de jeu le temps de quelques jours. Les yeux grands ouverts derrière la vitre je ne manque rien de la vue. J’ai hâte de descendre, de prendre mes pieds et de fouler cette terre. Chaque virage offre un nouveau visage de la Jordanie.

 

Déposé au bord de la route, le reste se fera à pied, le vent souffle fort et nous ensable continuellement. Les djebels environnants se voilent et se dévoilent tour à tour.

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Ces paysages offrent aux marcheurs une expérience remarquable face à cette immensité déserte. Cette dernière déstabilise, d’abord, puis rassure, si au premier abord elle nous perd, au second elle est source d’imagination. Ici composer une image est un art compliqué, on est en quête permanente du détail, de ce détail qui fera toute la différence. Alors on regarde, on s’éprend à regarder, à apprendre à regarder. Puis on sent le vent, la chaleur, tous ces grains chauds entraînés par le vent qui nous fouettent le visage, on sent toutes ces choses qui nous entourent et qu’on ne voit pas. Peu à peu on se surprend de la richesse visuelle qu’entretient une immensité nue.

 

La progression est difficile, tout devient croustillant en bouche, y compris l’eau, le sable se fraie un chemin partout.

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Il faut trouver un coin à l’abri du vent pour le campement. Heureusement ces hautes colonnades de grès, qui étaient autrefois sous l’eau, offrent de belles cachettes.

 

Quel bonheur de pouvoir s’allonger sous la tente, d’être enfin à l’abri du sable. C’est l’occasion de découvrir la riche histoire des Nabatéens et, dans une plus large mesure, cette région du monde.

 

Bon allez on va dodo, car demain c’est une longue journée de marche.

Le vent est tombé, tous les djebels environnants surgissent enfin ensemble. Une chose est sure... aujourd’hui il fera plus chaud qu’hier !

 

Il est des lieux sur Terre qui nous feraient oublier qu’on la foule réellement de nos pas au quotidien, des lieux si différents de ce que l’on connaît habituellement, des lieux qui nous demeureront toujours inaccessibles et fantasmés… et qui continueront toujours à attirer, à impressionner, à émouvoir.

 

Face à ce paysage monotone, on décortique chaque pensée qui nous traverse, ainsi que nos projets et notre vie. C’est une expérience introspective et méditative.

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Je m’amuse en écrivant à lever une main et à observer l’horizon au travers de l’échancrure de mes doigts. On aimerait parfois le saisir ou du moins contrôler les ombres qui dansent libres devant, tout en éludant que ce qui fait sa vénusté c’est justement son impalpabilité et son imprévisibilité.

 

« Le monde est comme un masque qui danse, pour bien le voir il ne faut pas rester au même endroit. »

Proverbe Igbo

 

Après avoir monté la tente, je déniche un promontoire.

 

Du sable, et encore du sable, une ligne d’horizon soufflée par les éléments. Quand le soleil décline, la lumière dorée et les monts violacés offrent une singulière vénusté aux lieux. Tonalités chaudes face à ces grains solides qui composent tous ces vestiges géologiques ravagés par le soleil et qui demeurent en évolution perpétuelle.

Instant privilégié.

 

Le froid tombe vite désormais, se retrouver autour du feu est le petit plaisir des soirées. Le ballet des flammes me fascine.

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Réveil matinal, après une nuit de sommeil intermittent.

 

Rapide transfert à l’entrée du canyon.

 

“Les rochers étaient surmontés de dômes, au rouge moins écarlate que le flanc de la colline, plutôt gris et creux. Ils venaient compléter l’esprit d’architecture byzantine de cet endroit à la beauté irrésistible. Cette procession dépassant l’imagination la plus fertile... Notre petite caravane en prit conscience et tomba dans un silence de mort, effrayée et honteuse d’étaler sa petitesse en présence de ces prodigieuses collines.”

Lawrence d’Arabie

 

Le canyon offre des arabesques géologiques à couper le souffle, il y a une telle diversité de formes, de couleurs et de textures qu’il est difficile de ne pas tourner la tête de tous les côtés. Ça me fait penser un peu à ces cathédrales qui regorgent de détails, de sculptures et de peintures. Il en va de même ici, tout y est... y compris les « vitraux » avec de véritables ouvertures dans le grès aux couleurs changeantes qui ne sont pas sans rappeler les lithophyses de l’Esterel.

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Par endroit, le rocher semble dégouliner sur ces œuvres éphémères, conférant une forme de fluidité à ce qui n’en a pas.

 

La fin du canyon apparaît, non loin de la frontière israélienne, et c’est au tour des dunes de Regana de dévoiler ses contrastes. Les dunes orangées, légères et onduleuses lèchent ces monts noirâtres, massifs et anguleux.

 

Au cœur de ce désert, mon regard se porte sur un détail parmi d’autres, sur des lumières exquises, des formes et des espaces singuliers, offrant du relief au vide, des émotions et des saveurs qu’on rencontre nulle part ailleurs. Des couleurs aussi, une véritable esquisse impressionniste. Ces lieux apposent une empreinte indélébile sur soi. Ce lieu est véritablement une mosaïque d’instants précieux et rares, et ce, pour tout voyageur curieux et contemplatif.

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Epuisé après cette longue journée de marche où le paysage enthousiasme à chaque pas, le campement est dressé en ces lieux de bout du monde, ou plutôt de cœur du monde, où le silence et la sérénité règnent en seuls maîtres. Les gestes habituels se répètent. Je me pose sur un rocher à l’écart et contemple le désert. Nul mot ne peut conter ce que l’on ressent à cet instant précis : une forme de liberté en captivité. Les émotions, parfois opposées, se collent délicieusement les unes aux autres à l’image de ce baklava qui fond sous la langue. Un peu plus tard, au couchant, chacun se retrouve autour de ce feu, trait d’union entre les diversités. La nuit nous enveloppe peu à peu, le thé à la menthe se déguste, gorgée après gorgée, et ce, avant d’entamer le plat. Les émotions intérieures se décollent peu à peu et me bousculent. Je mesure à mesure que le temps passe, la chance de vivre ces instants ci.

 

Première douche aujourd’hui depuis Amman... avec 1 L d’eau. Vivement l’hôtel d’après-demain...

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C’est une immensité brûlée par le soleil hérissée de monts stratifiés, de masses minérales déchiquetées qui s’élèvent par hasard. Un paysage à la beauté âpre. C’est aussi des teintes, des nuances, des couleurs et des lumières splendides qu’on redécouvre à chaque lendemain.

 

Certains franchissements de col peuvent rappeler l’extrême minéralité du GR20.

 

Peu à peu les roches volcaniques deviennent partie intégrante du paysage... de la caillasse et encore de la caillasse... pas un arbre et une chaleur écrasante. Le thermomètre flirte avec les 40 tandis que les réserves en eau s’amenuisent de pas en pas.

 

Le déjeuner se fera à l’ombre d’un acacia dans le lit d’une rivière enfin atteint.

 

Allez, on remet ça. Il ne faut pas perdre le rythme après tout.

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Ce matin c’était la dernière fois que je pliais la tente, la dernière répétition de ces réflexes matinaux.

 

Ici, au cœur de ce canyon dépourvu de végétation, les secondes semblent des heures. L’esprit cherche des repères, de temps et d’espace, alors il se focalise sur ces galets gris que mes pieds foulent, pas si gris que ça d’ailleurs à bien regarder : ici du porphyre, là du schiste vert, là-bas du basalte… Le désert à cette qualité rare d’élever la petitesse des choses au plus haut rang d’importance, un peu comme le soleil qui allonge l’ombre des petits cailloux à son couchant. Une véritable école pour apprendre à apprécier et à savourer la simplicité de toutes choses.

 

Peu à peu, les galets disparaissent, et cèdent la place à un sable fin. Mon esprit commence à tanguer, à se perdre, j’ai besoin d’un repère sur lequel me raccrocher. A ce moment-là, je décide de relever la tête, tandis que la réverbération du sol m’avait décidé de l’abaisser quelques minutes plus tôt. A cet instant-ci je ressens toute la pesanteur du désert sur mon être, à défaut de voir quoique ce soit, je ressens la chaleur montante du sol et des parois de grès, tandis que le soleil descendant m’écrase. J’ai la sensation de me trouver entre le marteau et l’enclume. Peu à peu, l’esprit, cherchant toujours à s’accrocher à un quelconque repère, en vain, abandonne, il lâche prise… C’est à cet instant précis que se distingue au loin la fin du canyon, fini les dentelles de grès, place à une plaine aveuglante. Là-bas se dresse quelques collines pour nous barrer le passage, tandis qu’une chaîne escarpée griffe le ciel à l’opposé. Enfin... là-bas un pont trahit l’existence d’une route.

 

C’est parfois à l’ombre du renoncement que se dévoile l’essentiel.

 

Je m’installe au pied d’une falaise pour attendre le bus. L’ombre qui fait d’abord 1 m de large diminue comme peau de chagrin au fil du temps... Une heure après ce n’est plus que 70 cm d’ombre... Quand cette dernière atteint les 40 cm et me contraint à me lever, le bus arrive enfin.

 

Direction Wadi Mussa, aux portes de la cité perdue de Petra.

 

L’excitation me gagne a l’idée de pouvoir prendre une douche... pouvoir retirer ce mélange de crème solaire, de sueur, et de sable.

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«Le plus grand voyageur n'est pas celui qui a fait dix fois le tour du monde. Mais celui qui a fait une seule fois le tour de lui-même.»

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