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Massif de Terskey

 

22-24/08/2019 (Jours 10 à 12)

 

Long transfert aujourd’hui pour rejoindre les portes de la chaîne de Terskey, j’en profite pour m’imprégner des mots si précieux de Gaston Rébuffat. Mots qui ont toujours tout autant de sens de nos jours.

 

La marche reprend, la discussion aussi.

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Evoluer ici quelques jours, au gré de ces vastes paysages, au cœur de ces jeux atmosphériques suspendus par-delà les cimes, donne à l’esprit et au corps la liberté de pouvoir fuir, de ralentir la course du temps, de la stopper et de la redémarrer comme bon nous semble… Tout semble si simple.

Au loin, les 5000 surgissent, magnifique chaîne glaciaire étendue…

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Quelques phrases de Yasmina Khadra me reviennent en tête :

« Qui sommes-nous au juste ? Ce que nous avons été ou bien ce que nous aurions aimé être ? Le tort que nous avons causé ou bien celui que nous avons subi ? Les rendez-vous que nous avons ratés ou les rencontres fortuites qui ont dévié le cours de notre destin ? Les coulisses qui nous ont préservés de la vanité ou bien les feux de la rampe qui nous ont servi de bûchers ? Nous sommes tout cela en même temps, toute la vie qui a été la nôtre, avec ses hauts et ses bas, ses prouesses et ses vicissitudes ; nous sommes aussi l'ensemble des fantômes qui nous hantent... nous sommes plusieurs personnages en un, si convaincants dans les différents rôles que nous avons assumés qu'il nous est impossible de savoir lequel nous avons été vraiment, lequel nous sommes devenus, lequel nous survivra. »

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Une fois n’est pas coutume, l’arrivée au campement se fait sous de menaçants cieux… Je m’isole un temps…

 

« Pourquoi étais-je obligé de passer si près du bonheur sans oser m'en emparer ? »

Yasmina Khadra

 

On m’appelle pour je ne sais quoi (je n’entends rien de ce qu’on me dit), on me fait grimper dans le véhicule « on va faire quoi là au juste ? » « on part choisir le mouton qu’on égorgera ce soir » *oh merde… le traquenard…* j’aurai préféré rester sous la tente, y compris sous ce vent !

 

De retour au campement, avec le mouton à sacrifier, je découvre toutes les tentes à terre écrasées sous la grêle et le vent. Une fois, deux fois, tâche sisyphéenne que de vouloir redresser l’ensemble… On appellera ça la vengeance du mouton.

 

Ce soir je quitte le domaine de Rébuffat avec une jolie citation en tête :

« Ainsi, des rêves naissent les grandes joies de notre vie. Mais des rêves, il en faut toujours. Je les préfère aux souvenirs. »

 

En parlant de rêve…

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A chaque aube, il y a ce singulier sentiment, qui se dégage de ces lieux, que je cherche à apposer sur le papier sans y parvenir vraiment… Je l’avais ressenti par ailleurs, par d’autres endroits… Une forme de nudité et de rudesse qui te montre combien des choses simples, d’une ineffable beauté, existent à qui sait regarder et écouter.

 

J’ai hâte de reprendre la marche… L’objectif étant de rejoindre en deux jours le lac Issyk Koul en traversant le massif de Karogoman. Mais, bien que le début séduise, mon corps me lâchera. Sans doute dû à un joli mélange de manque de sommeil, de « malnutrition » et d’intoxication alimentaire… Je ne sais pas… Toujours est-il que je lutte contre cette envie de m’effondrer à chaque pas.

 

Malheureusement, je fixerai les paysages sans les regarder. Les souvenirs de cette journée se résument à des bribes.

 

Heureusement, je pourrais compter sur mon binôme pour me guider et veiller sur moi, attentive à de potentielles prémices de malaise.

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« La pendule sonnant minuit,

Ironiquement, nous engage

A nous rappeler quel usage

Nous fîmes du jour qui s’enfuit. »

Baudelaire

 

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Je reprends peu à peu mes esprits…

Comme nous serons heureux d’arriver à bout de cette étape…

Aujourd’hui est prévu l’ascension du col Ton situé à 4000 m, une étape de 12 h.

 

La pluie, l’orage et le brouillard, sans parler de mon état de la veille, me convainquent à refuser la marche. Question de sécurité… on ne va pas en montagnes sous une météo pareille.

 

Le débat fait rage dans le groupe, il y a les anti, les contre… Quand chacun se tourne vers le guide, il a cette phrase qu’aucun guide ne devrait avoir en pareilles circonstances : « c’est comme vous voulez, c’est vous qui prenez le risque ».

 

Inutile d’en dire davantage. Je n’en veux pas à ceux qui veulent tenter la montée, j’en veux au guide de ne pas être capable de dire non. On tourne autour du pot je ne sais combien de temps. Les gens décident d’y aller. Je quitte la tente mess agacé avant d’apprendre que finalement la marche est annulée.

 

Plus tard, on apprendra d’un « vrai guide » que cette marche était dangereuse, particulièrement sous la pluie, et que des coulées de boue étaient survenues… Je pense alors à celle qui m’avait balancé d’un air cynique, au détour d’une éclaircie « dire que juste pour deux trois gouttes certains avaient peur ». J’avais envie de lui dire à ce moment-là que certains ont été portés disparus pour moins que ça…

 

Bref.

 

Route donc, toute la journée, c’est vrai que c’est long, ce sont des haltes dans nos échanges, des moments où je m’enferme sous ma musique ou dans les livres.

 

On arrive dans une ferme kirghize, on négocie quelques yourtes pour la nuit… et filons avec Marie vers les hauteurs, prendre de la distance et reprendre notre fil de discussions.

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Après une petite heure, alors qu’à chaque sommet de colline une autre surgit de nouveau - rappelant la frustration des dunes - j’observe ces lointains reliefs qui transpercent le ciel comme pour nous remémorer que ce ne sont les cieux passés et ses rêves meurtris qui importent mais les terres présentes que nous foulons et leurs réalités naissantes. Il y a derrière chaque relief, une beauté qui grandit, et si on la fixe longuement, on est pris par un vertige qui fait chavirer le cœur.

 

Au dîner l’équipe kirghize nous fera la joie de chanter quelques textes du pays… On découvrira le talent caché de notre chauffeur qui de sa voix grave et sentimentale nous envoûtera. Délicieux moment.

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«Le plus grand voyageur n'est pas celui qui a fait dix fois le tour du monde. Mais celui qui a fait une seule fois le tour de lui-même.»

Gandhi.

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