
Tashkent
23/07/2023 (Jour 1)
Nous sommes arrivés la veille à Tashkent, où plutôt tôt ce matin. Sachant la petite journée qui nous attend, nous prenons le temps de nous reposer et c’est ainsi que nous foulons le bitume des rues aux environs de midi, fadas que nous sommes.
Le thermomètre atteint les 40 degrés tandis que nous errons dans la ville de parc en parc. J’avoue mon étonnement face à ces nombreuses allées arborées. L’air sec rend plus supportable la chaleur tandis que l’ombre des feuillages offrent quelques accalmies.
​
La "Cité de Pierre", en turc, est la plus grande ville d'Asie Centrale.
En effet, tout est grand ici.
Les routes, les immeubles, les musées… semblent d’autant démesurés par les rues désertes qui les entourent.

Nous traversons la place de Tamerlan, autrefois édifiée à la gloire du communisme avec alors les statues de Lénine puis de Staline avant de laisser la place à Tamerlan, célèbre conquérant d'antan.
​
Derrière, l'Hôtel Uzbetkistan, le plus grand du pays, au style architectural "moderne" soviétique des années 70.
Au détour d’une impasse en travaux, la boutique de sports Sierra émerge. Nous espérons pouvoir y trouver une cartouche de gaz pour le réchaud en vue du trek.
Le vendeur ne parle pas un mot en anglais, après avoir compris ce que nous cherchons il ramène une énorme cartouche de près de 500-600 g…
Quand nous savons le temps passé à éliminer le moindre gramme inutile de nos sacs nous tentons de demander une cartouche plus petite.
« Smaller do you have ? »
« Good gaz ! »
« Yes but smaller ? »
« Good gaz ! »
« Ok but (enjoignant toujours la gestuelle aux mots) smaller ? »
« Good gaz ! »
Peine perdue, la grande cartouche se retrouve dans nos sacs.
Marie a trouvé une application mobile semblable à Uber, la même qui fonctionnait en Géorgie déjà. Pour limiter la marche sous cette chaleur nous faisons quelques sauts de puce en voiture.
Après avoir bu une étrange limonade maison qui n’avait de goût de citron que par le nom, nous filons au musée d’histoire d’Ouzbekistan.
Comme toujours, un immeuble démesuré et assurément climatisé nous ouvre ses portes. Contrairement à ce que l’extérieur pouvait laisser supposer, le musée tient sur un maigre étage. Les panneaux ne sont pour la plupart pas traduits et nous repartons d’ici sans trop avoir appris quoique ce soit…
Les recherches Google du soir seront un peu plus instructives !
​
Attention on s'accroche et on ne s'endort pas !
Faisant d’abord partie de l’empire Perse des Achéménides, la région fut ensuite aux mains des Grecs avec la poussée vers l’Est d’Alexandre le Grand (- IVème).
A sa mort, son royaume fut divisé, laissant les environs aux Séleucides qui connurent une décadence avant de disparaître (-Ier). Divers royaumes prirent alors l’ascendant.
Les grandes routes de la soie se mettent en place et se sécurisent (-IIème à +IIème) Elles permettent le commerce entre l’Europe et la Chine. C’est fascinant de songer à ces immenses caravanes de marchands qui traversaient ainsi les continents avec leurs lots d’histoires, d’influences, de religion et de nouveautés…
Les Sassanides Perses (+IIIème) unifièrent la région et profitèrent de la prospérité apportée par ces grandes routes commerciales dont l’Asie centrale en est le carrefour. En quatre siècles ils réalisèrent d’importants travaux, développèrent leur art et défendirent la région face aux Huns, aux Turcs, aux Romains…
Puis les Huns prirent le dessus, renversant le pouvoir des Sassanides, allant jusqu’en Iran (+IV et Vème). Ils se sédentarisent et deviennent ainsi les premiers ancêtres du peuple Ouzbek actuel.
Puis les Turcs, alliés aux Sassanides Perses, vinrent chasser les Huns (+VIème). Chose faite, les alliés se partageant le territoire, ils s’embrouillèrent sans que l’un ne parvienne à chasser l’autre.
A ce méli-mélo il manquait la Chine, grand acteur de la région, qui, après des passe-passe politiques parvinrent à briser l’empire Turc et à les séparer : d’un côté la branche occidentale de l’autre l’orientale (+VIIème). Avec l’appui des Ouïgours, la Chine parvint à se débarrasser des Turcs d’Asie centrale qui devint Chinoise.
Et puis vinrent les Arabes. Après d’importants combats il prirent le dessus lors du VIIIème siècle. La défaite des chinois aura permis aux Arabes de voler le secret du papier aux chinois ! De nombreuses révoltent et insurrections des rebelles eurent lieu contre les Arabes, en vain. Au VIIIème siècle, grâce au savoir des Arabes, la région devient un haut lieu des sciences et notamment des mathématiques.
Le siècle suivant marque l’arrivée de la dynastie des Samanides, la première à renverser les Arabes. Jusqu’au Xème ils sauront marquer le territoire de leur empreinte avant d’être renversé à leur tour par les Qarakhanides, une dynastie turque. Seldjoukides, une autre dynastie turque, prit ensuite le pouvoir.
Puis au XIIIeme les Mongols, menés par Gengis Khan, envahirent la région en détruisant, comme à leurs habitudes, massivement les grandes cités. Ils dominent alors un immense royaume (ou Khanat) s’étendant des pays Baltes actuel à la Chine Orientale, de l’Iran à la Russie. Malheureusement, plus c’est grand plus c’est difficile de le maintenir en place. Le pouvoir se fragilise et des dissensions apparaissent. Ainsi au XIVème le grand Khan est assassiné et son assassin s’autoproclame Émir. Le pays sombra alors dans le chaos et les tribus rebelles mongoles s’unifièrent derrière Tamerlan.
Commandant impitoyable, génie militaire, grand érudit d’arts et de lettre, Tamerlan chassa ses rivaux et créa son empire. Il conquit de manière fulgurante le monde islamique, allant jusqu’en Égypte. Il mourra en allant en direction de la Chine. Son empire ne tiendra qu’un siècle, à sa mort il se morcela et son fils ne saura restaurer l’héritage de son père. En 1507 l’empire de Tamerlan n’existe plus sur la carte mais sa culture et son art persistèrent.
Les Chaybanides, dynastie musulmane mongole, existant depuis des siècles sans réelle unité, connaîtront leur heure de gloire au XIV-XVème. Ce sont les premiers qui utilisent le nom de Ouzbek (qui vient du nom Ozbeg d’un prince mongol qui implanta l’islam). Ils seront renversés à la toute fin du XVIème.
Trois grands Khanats émergèrent : celui de Khiva, de Boukara et de Kokand, trois cités majeures des routes de la soie et qui avec Samarcande ont constitué de tout temps les grands centres d’influence culturels et scientifiques au cours des siècles.
Puis, l’invasion russe réussit à la fin du XIXème, après quelques échecs. Face à la vague ennemie les royaumes se soumettent aux tsaristes russes et sont regroupés sous le nom de Turkestan qui jouera un rôle important dans la culture mondiale du coton. Cette colonisation en règle permet au Turkestan de développer son industrie, des lignes de transport ainsi que l’éducation.
Après la révolution des Bolcheviques en octobre 1917, l’Ouzbekistan en tant que république et en tant que Nation apparaît en 1924, bien que faisant partie de l’URSS. Staline s’occupera de la délimitation des frontières ouzbeks, tadjiks et kirghizes. Ces mêmes frontières qui créent tant de tensions aujourd’hui encore et comptant tant d’enclaves qu’il est fort malaisé d’en comprendre la logique.
L’intégration à l’URSS ne s’est pas faite en douceur. Les rebelles ouzbeks sont persécutés jusqu’en 1940 et les grandes purges staliniennes auront raison des hauts fonctionnaires du pays.
Pendant la guerre la russification s’accélère avec l’immigration des russes fuyant le front Ouest.
En 1960 le pays devint l’un des plus peuplés et modernes d’Asie centrale.
Avec la chute de l’URSS, le pays devint indépendant en 1991.
A l’approche des années 2000 le pays connaît de nombreux attentats terroristes afin de protester contre les mesures anti islamiques. Autre source de tension : les frontières avec les voisins, il en résulte de vieux contentieux historiques, notamment dans la vallée de Ferghana.
Si les relations sont compliquées avec le Tadjikistan et le Kirghizistan, elles le sont moins avec l’Iran et l’Irak. L’Ouzbekistan souhaite être un acteur incontournable de cette région du monde.
N’est-ce pas vertigineux de remonter ainsi l’histoire d’une zone du monde ?
Et puis bon là c’est survolé, car il s’agit de l’une des zones du monde avec l’une des plus fascinantes complexités historiques et géographiques.
De notre côté, concernant ces problèmes aux frontières, nous espérons que nos passages se dérouleront sans problème.
Après une courte halte dans une galerie marchande en quête d’un peigne, nous rentrons à l’hôtel.