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Sucre
26-27/07/2025 (Jours 1-2)
Le souffle court à la sortie de l’avion. Après tant d’heures de voyage, le corps avance mécaniquement, encore engourdi de ciel et de transit.
L’air de Sucre est gorgé de cette polution sèche qui réveille les sens d’un coup, à moins qu'elle les anesthésie.
Nous déposons nos sacs dans une petite chambre encore tiède de soleil, ça ne durera guère. Au loin, les toits de tuiles rouges s’empilent dans une douceur qui contraste avec la hâte extérieure.
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Nous entamons alors la visite de la ville qui culmine à 2'800 m, histoire d'habituer petit à petit nos corps à l'altitude qui demeurera la difficulté principale du trek.
Nous filons aussitôt au couvent de Santa Clara avant la fermeture. L'occasion de découvrir pour la première fois les billets boliviens qui sont particulièrement beaux !
Le couvent se découvre lentement comme on entrouvre un livre ancien. Derrière ses murs épais, les siècles se sont succédés sans faire de bruit, portés par les pas discrets des sœurs qui y vivaient depuis le XVIème siècle. Tout semblait figé, contenu dans cette blancheur rassurante, jusqu’à ce que le hasard et la patience d’une restauration allemande viennent troubler la paix des lieux.
Sous les couches de chaux déposées par des mains pieuses, on a retrouvé, presque par surprise, des peintures anciennes : visages d’anges, motifs floraux, fragments de ciel. Tout un monde effacé, ressuscité par la lumière. On raconte que ces fresques furent recouvertes lors de la peste noire, comme pour protéger les âmes du couvent d’une contagion invisible. Geste à la fois de peur et de foi, comme si la beauté, trop vive, risquait d’attirer le mal.
En observant ces murs aujourd’hui il y a quelque chose d'émouvant. Le temps ne détruit pas tout, il cache, il conserve, il attend. Santa Clara, sous sa chaux et son silence, rappelle que le monde garde toujours un secret à offrir.
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Nous marchons vers la place principale et un mouvement attire l’œil : une procession s’avance lentement, colorée et sonore. Des danseuses vêtues de costumes éclatants tourbillonnent au rythme des tambours et des flûtes, leurs pas ponctuant l’air. Les habitants suivent, sourires et gestes mesurés. Nous restons un moment à observer, fascinés par ce mélange de ferveur, de fête et de tradition.
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Sucre a beau porter le titre de “plus belle ville du pays”, elle n’a rien d’une carte postale. Nous sommes quelque peu saisis par l'agitation ambiante : les klaxons, la poussière, les fumées qui s’accrochent aux bronches. La circulation y est dense, nerveuse, et la lumière s’y perd un peu dans la brume des gaz d’échappement. Le centre historique, minuscule, semble tenir par miracle au milieu du désordre ambiant : quelques rues pavées, des façades encore soignées, une place tirée à quatre épingles où tout le monde converge, du marchand ambulant à l'écolier en uniforme. Ce qui frappe, c’est cette énergie débordante qui se heurte sans cesse à la petitesse du lieu. Sucre vibre, grouille, s’épuise.
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Nous faisons un crochet par le musée de la Casa de la Libertad, où fut signée la déclaration d’indépendance de la Bolivie. La salle est fraîche, presque solennelle. Derrière une vitre, le document repose, jauni, couvert d’une écriture fine. Autour, des portraits sévères de libérateurs et d’évêques rappellent que l’histoire s’est jouée dans la ferveur et l’encre. Je me plais à imaginer les voix, les débats, les promesses d'un renouveau chargé d'espoirs. Et pourtant, dehors la ville qui a perdu de sa superbe depuis continue de gronder, indifférente.
La nuit tombe vite sur Sucre et avec elle le froid. Nous regagnons l’hôtel, un peu saoulé par la journée. Derrière les vitres, la ville continue de bourdonner : moteurs, voix, musique étouffée. Sous la couverture, le corps retrouve la chaleur et le sommeil.
Le lendemain, pas de réveil brutal. On prend le temps de traîner un peu, de s’étirer, de laisser filer les heures. Puis vient le moment de reprendre la route. Les sacs bouclés, nous quittons le centre historique à bon pas, direction la gare routière. Dans le vacarme et la pollution, tout semble étrangement fluide : on montre nos billets, un employé nous fait signe, le bus arrivera en avance, presque une anomalie.
Joyeux désordre au pied du bus : valises, cartons, enfants, bananes et que sais-je. Un jeu de tetris s’improvise pour caler chaque bagage. Les sièges sont confortables, c'est désormais quatre heures de route qui nous attendent, cap sur Potosí.
La ville blanche s’éloigne, avalée par les collines et le voyage reprend déjà.

