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Tarangire - Serengeti - Ngorongoro
14-18/08/2020
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Lors de cette longue route vers le parc Tarangire, je m’amuse à regarder une carte du continent africain, histoire de me rappeler d’anciens cours de géographie si tant est qu’un jour le programme scolaire ait pris le temps de nous présenter ce continent autrement qu’en le coloriant rapidement en jaune.
La géographie est une discipline passionnante. Bien que sous-estimée elle met en lumière l’histoire, les civilisations, les relations étrangères.
Les villages qu’on traverse sont d’une pauvreté évidente, ils semblent aussi éternels qu’éphémères. Ces gens n’ont, à nos yeux de français, rien. Pourtant, tant de sourires parcourent les rues.
Au loin des enfants Masaïs gardent le bétail. Le guide nous explique que les plus petits s’occupent des moutons, les plus grands des vaches.
Toute la richesse d’une tribu vient de son bétail, c’est la colonne vertébrale de son existence, toute l’organisation est tournée vers lui. Ce dernier permet de se nourrir, évidemment, il est au cœur des chansons et rites, il alimente les discussions sur la météo, il est une monnaie d’échange, on aime et on tue pour lui, c’est aussi une forme d’épargne. Tant qu’il reste du bétail, la tribu peut vivre.
De nouveau, nous sommes témoins de scènes de rue qui, bien qu’empreintes d’une banalité évidente, nous séduisent. Encore des photos qui se perdent, mais tant pis, le regard fige l’instant et le range dans l’une de ces encombrées étagères de souvenirs au rayon « Voyages et Loisirs ».
On retrouve les scènes de Moshi, une forme de chaos ordonné.
On retrouve ces enfants vêtus de leur uniforme sur la route de l’école.
On retrouve ces femmes qui marchent d’un pas aussi léger que leurs cargaisons sont lourdes.
On retrouve ces jeunes hommes assis sur leurs motos, quel luxe.
On retrouve les mêmes commerçants que chez nous : la boucherie, le salon de coiffure, la pharmacie.
Quelques baobabs marquent l’entrée du parc Tarangire qui tient son nom de la rivière le traversant.
Tarangire signifie « Rivière de Phacochères ».
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Ce parc est particulièrement connu pour sa population d’éléphants, dont la densité est l’une des plus importantes du pays.
Le toit de la jeep s’ouvre et c’est parti pour une après-midi de safari, de poussières dans la figure.
Quelques scènes s’apprécient tout particulièrement, comme ce moment où gnous et zèbres s’abreuvent au point d’eau tandis que les babouins siestouillent. Puis viennent les girafes… et là se produit un phénomène particulier, on n’en connait pas la cause, on ne sait se l’expliquer, mais les faits sont là : Marie est totalement gaga devant les girafes. « Maaaiiis oouuuuiiii t’es tooouuutte beeeellle toi, ooooh. Je suis fan » « oui je vois ça… » Moi qui pensais qu’elle ne réagissait ainsi que devant les chats… Révélation.
Un peu plus loin une famille d’éléphants est regroupée près d’un arbre, ils font bloc et semblent engagés comme un navire en détresse au travers des houles végétales.
Les éléphants aiment particulièrement Tarangire et ses baobabs qui captent d’importantes quantités d’eau. Moi qui n'en avais pas vu en Namibie et peu en Afrique du Sud, c’est l’occasion d’en profiter. On en retrouve quelques autres qui traversent la rivière. Ces instants intenses sont d’autant plus appréciés que nous sommes seuls. Certains répliqueront que les animaux profitent enfin de l’absence des touristes et d’une paix retrouvée… d’autres diront que malheureusement les braconniers ont remplacé les voyageurs pendant ce confinement…
On s’arrête déjeuner sur l’un des points hauts du parc qui révèle une partie de sa topographie. Tarangire c’est un parc avec une végétation très diversifiée et dense. La traversée d’une zone du parc se nommant « la petite Serengeti » nous prévient d’ores et déjà que la végétation se fera bien plus rare à Serengeti.
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Au loin, une famille d’éléphants est en plein bain. Face à ce vaste paysage où l’équilibre règne, la nature offre un spectacle d’une grande richesse où l’homme semble si insignifiant.
On quitte le plateau pour rejoindre le lit de la rivière, là-haut les vautours ont repéré un festin, là-bas les girafes, semblant toujours aussi indifférentes de ce qui les entoure, grignotent les acacias. Quand on voit les épines de ces derniers ça ne donne pas envie de voler leurs casse-croûte, ni ceux des vautours d’ailleurs même s’il n’y a pas d’épine.
Alors qu’on ne les avait aperçus que de loin, nous voilà à proximité d’un groupe d’éléphants. Moteur coupé, on observe en silence. Un coup de trompe à droite, un coup à gauche, les éléphants se jettent de la boue, les petits imitent les plus grands bien que ces derniers les aident par moment. L’un décide de quitter la rivière, les autres le suivent, ils traversent la piste à quelques mètres seulement de nous. Les petits trébuchent parfois. L’un des adultes nous aperçoit et vient contre le capot de la jeep. Je me demande comment il nous perçoit à ce moment-là. Finalement il s’éloigne avec le reste du groupe qui disparaît à l’horizon.
C’est sur cette merveilleuse rencontre que nous quittons le parc et partons rejoindre Karatu sur les contreforts du rift.
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L’accueil à l’hôtel contraste avec celui de Moshi… Avant de pouvoir dire bonjour on se retrouve avec un thermomètre pointé sur le front. La même froideur se retrouvera au dîner lorsqu’on se dirigera vers le buffet, pour voir un peu ce qu’il y a, et qu’on sera accueilli par un « vous avez bu votre soupe ? » « euh non » « retournez-vous assoir dans ce cas »… Pas de soupe pas de dîner, attention. En-dehors du staff, l’écrin de verdure dans lequel est niché la chambre est des plus agréables.
En route pour Serengeti, mais avant cela, il faut s’élever jusqu’aux rives du cratère Ngorongoro. La route escalade lentement le rift au cœur de la brume matinale, un air plus léger trahit l’altitude qui grandit. De temps à autre on se retourne et devinons notre écrasement par la dense voilure végétale.
Dès qu’on sort de la forêt humide et qu’on continue à s’élever, alors qu’on a déjà avalé près de 1000 m en un rien de temps, on change de monde. On quitte le repaire des arbres et de la brume pour entrer dans celui des vastes étendues sèches.
En cette fin de matinée, sur la route de Serengeti, on longe pendant longtemps la ligne sommitale du cratère, tandis qu’au loin émerge et s’allonge sur l’horizon la plaine de Serengeti. De temps à autre, en guise de ponctuation, quelques troupeaux parcourent les doux reliefs.
On quitte l’aire de Ngorongoro, on s’engage sur une longue route d’une monotonie harassante. Il n’y a rien, à perte de vue. Surgissant au milieu de nulle part, tel un mirage, la porte d’entrée au parc Serengeti.
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Caché dans un buisson, un lion solitaire fait la sieste, puis un second et un troisième.
Si Tarangire aura fait la part belle aux éléphants, on se dit qu’à Serengeti ça sera en faveur des lions.
Alors qu’on s’enfonce au cœur du parc et que peu à peu nos yeux s’habituent à l’immensité nue de la savane, nous tombons sur un groupe de lionnes… elles se lèvent avec une nonchalance feinte, traversent d’un pas égal les hautes herbes qui s’ouvrent à leur passage et… s’allongent de nouveau. Et oui, un lion dort près de 15 h par jour alors pour le voir en action il faut être veinard.
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Un peu plus loin, la plaine basse lacérée par des eaux stagnantes laisse apparaître des dizaines de dizaines d’hippopotames. Seule la partie supérieure de leurs museaux est visible. Malgré leur surnaturelle immobilité le guide nous avertit de leur agressivité.
« Vous avez vu le crocodile là-bas ? »
Décidément, ce n’est toujours pas aujourd’hui que je vais me baigner…
Sur la route, les rencontres sont nombreuses, hyènes, antilopes, girafes vaquent chacune à leurs occupations. Petit coup de cœur pour les gazelles de Thompson qui arborent de douces lignes, sans omettre leurs yeux surpris et étonnés de notre présence.
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En scrutant les environs je me demande bien où l’on va pouvoir dormir ces deux prochaines nuits… avant de deviner au loin les larges tentes qui nous attendent, surplombant la plaine. Après toute une journée de voiture, il y a un certain plaisir de s’arrêter, de pouvoir avancer de son propre pas.
On découvre avec plaisir ce logement atypique entouré par ces belles gazelles mais aussi par les hyènes dont les traces de pas à l’entrée de la tente trahissent leurs récents passages. C’est peut-être pour cette raison que la réception nous interdit de sortir seuls de la tente et qu’on a pour obligation de les appeler avant !
Du haut de cette colline, paraît à l’œil envoûté, l’horizon entier qui, avec la fin du jour, s’emplit de couleurs nouvelles tandis que les spectres crépusculaires des arbres griffent l’éther. Le soleil se glisse à l’orée du monde, les gazelles de Thompson sublimées sous cette teinte ambrée. Au-delà de l’heure de plus en plus avancée dans le jour, les chevaux d’Hélios annoncent les oscillations pleines de vie de la savane engagée dans la nuit.
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Au diner on discute avec le guide, on lui demande s’il est possible d’observer des rhinocéros à Serengeti « Non, la densité est bien trop faible et ils se tiennent très loin des pistes dans une zone fortement isolée, c’est pratiquement impossible d’en observer lors d’un safari ici. ».
Ca a le mérite d’être clair.
Allez, à l’image de cette trentaine de mangoustes sautant dans leur tanière, nous filons dans notre chambre.
On commence à s’habituer aux réveils à 6 h du matin…
Au petit-déjeuner le guide nous demande si on a entendu le lion ce matin.
Oui, nous on a le coq, eux ont le lion, chacun son annonciateur de lever de soleil.
Après avoir loupé de peu le léopard, on quitte les pistes principales aux « confins » du parc. Il a été décidé la veille de pique niquer plutôt que de revenir au lodge, cela nous permet de partir plus loin et d’explorer des zones peu visitées.
Le safari affute les sens, alors qu’à Tarangire on ne voyait rien avant que le guide nous aide, désormais on repère girafes, buffles, antilopes à des kilomètres à la ronde. On scrute les environs, Marie en forme repère des lions avant le guide. Mais ce dernier cherche autre chose et nous emmène toujours plus loin.
Il est onze heures du matin et déjà le soleil brûle la plaine, notre véhicule, seul au cœur de la savane, est insignifiant. Des troupeaux d’antilopes se devinent au loin, mais notre direction est autre. Le vent balaie la plaine et soulève des volutes de poussières, ce monde est libre et sauvage. Le ciel est dégagé malgré une frise de cumulus blancs au loin. Les rayons de soleil font miroiter l’horizon et allongent la plaine tandis que les grains de silice reflètent un à un ces rayons donnant parfois un effet similaire à celui rendu par la neige qui scintille. Je n’avais jamais fait attention à cela dans mes marches à travers le désert. Cela confère au paysage une forme de dématérialisation tout en le rendant beaucoup plus palpable. Cette forme de paradoxalité dans les paysages me séduit toujours. J’ai toujours plaisir à traquer, non pas les animaux, mais les nuances des paysages. La Terre offre une multitude de paysages et pour un même paysage une multitude de facettes et pour une même facette d’innombrables nuances et pour une même nuance une infinité de subtilités. Saisir ces dernières est jouissif et devrait être la raison de tout voyage.
Après deux bonnes heures sans rien apercevoir, nous découvrons une grande famille de lions… On dénombre 2 mâles, 7 femelles et une quinzaine de lionceaux… Ils siestouillent (encore) sur un grand rocher. Je suis subjugué par ce moment qui ne saurait me lasser. La prose la plus brillante ne sera jamais à la hauteur de la poésie de l’instant qui se déroule à présent.
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Après un long moment ici, on s’éloigne, l’errance sera de courte durée puisque le guide semble s’être aperçu de quelque chose… et en effet…
Là, seul, majestueux, tel était ce guépard d’une chaleur dormante. Il avait un de ces airs supérieurs, léger et vif, un regard d’une profondeur troublante et tandis qu’il se déplaçait d’un pas feutré et souple, tout en délicatesse, tout chez lui rappelait la mortelle élégance de son corps. Tantôt subjugué par ses lignes, tantôt enserré par sa puissance intrinsèque, je ne savais que regarder : sa beauté ou sa dangerosité ?
Tel était ce guépard, attirant à lui les arcanes de la vie pour mieux l’éteindre.
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La pause déjeuner arrive, l’après-midi sera consacrée à la quête du léopard.
A force de pousser l’observation à son paroxysme, tout nous semble être un animal : un nuage, une branche biscornue…
Quelques mots de Tesson me viennent à l’esprit :
« L'imprévu ne venant jamais à soi, il faut le traquer partout. »
Sur cette plaine où la pesanteur semble se réduire, on ressent une forme de vertige horizontal, une invitation à aller à la rencontre de l’orée du monde.
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Alors que la quête du léopard semble vaine, un message à la radio alerte le guide qui se décide à faire demi-tour et part à toute allure. Ne comprenant pas ce qui se passe, on lui demande où on va… Il nous explique qu’un rhinocéros s’est éloigné de sa tribu et s’est perdu. Il s’approche de notre zone le temps que les rangers interviennent pour le ramener vers les siens.
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Tous les véhicules du parc, une dizaine, se retrouvent au même endroit observant ce rhinocéros se disant bien qu’il avait dû faire une connerie en venant ici.
Dans ces moments-là on est heureux d’être aussi peu de touristes « sans covid il y aurait pu avoir des centaines de véhicules pour ce moment »… Ca ne donne pas envie…
Après cette journée pleine de surprises, retour au lodge tandis que la savane est déjà infusée de nuit.
Cette nuit j’ai entendu les hyènes et les lionnes se chamailler les limites de territoire, ainsi que le lion rugir au petit matin.
La matinée est quelque peu consacrée aux buffles dont les troupeaux nous coupent sans cesse la route. Ils me font rire avec leur gros gabarit et leur petite herbe, toute légère et toute fine, coincée dans les cornes.
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Il faut admettre que le safari ça use, en tout cas je suis fatigué et peine à me lever par moment… Un serval nous montre la route du retour. C’est avec de jolis souvenirs que nous quittons Serengeti.
Sur la route, j’observe au loin deux enfants jouant avec un bout de bois, une bouteille en plastique vide, une feuille accrochée au bout d’une ficelle. L’imagination, la plus grande richesse que l’homme puisse avoir.
Retour à Karatu, dans un autre hôtel, bien plus chaleureux. L’occasion pour Marie de manquer de mettre le feu à la chambre et de me baigner brièvement.
Dernier safari de ce voyage, consacré au cratère de Ngorongoro. Ce dernier est une caldeira d’une vingtaine de kilomètres de diamètre et constitue un véritable paradis pour les animaux qui y logent… L’eau est en effet présente toute l’année.
Pour y aller, il faut de nouveau traverser l’épaisse muraille végétale de cette forêt s’étendant en demi-cercle. Peu à peu on descend dans le cratère, le paysage est autre, alors que précédemment on pouvait ressentir un obscur malaise en cette forêt de conte qui nous semblait animée et nous enserrait comme un serpent, désormais la vue se dégage mais l’esprit de liberté retrouvée est une feinte car sans cesse, sous ces nuages qui planent, les hautes barres rocheuses qui délimitent le cratère nous interdisent toute fuite inconsidérée. Au centre, un lac, alimenté par quelques rivières qui coulent par ci par là, réfléchit par quelques milliers de facettes les rayons d’un soleil qui ne cesse de s‘élever.
Cette nature vierge, libre et sauvage, distille en nous une sérénité ineffable, une simplicité aussi, délivrée avec une parcimonie mesurée.
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Lors de cette matinée on sera aux premières loges d’un brunch de hyène, mais aussi à celles du « biberon » de lionceau : deux scènes, deux émotions bien différentes. L’occasion aussi pour Marie de rameuter tous les hippopotames vers elle, ces derniers pensant être discrets en sortant leurs bouilles quelques secondes de l’eau avant d’avancer d’une dizaine de mètres sous l’eau et de surgir à nouveau. Rencontre avec tous les animaux qu’on a vu ces derniers jours, mais cette fois-ci c’est la dernière.
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De nouveau assis pour une longue route, légèrement assoupi devant cette vitre, je songe à ce déracinement que permet le voyage qui, paradoxalement, renforce dans un même temps cet enracinement envers ce qui nous tient tant à coeur.
Les scènes de rue défilent sous nos yeux de spectateurs, Marie, lasse de voir des photos intéressantes s’en aller, décide de photographier au hasard au travers la vitre… Quant à moi je continue d’observer. A un feu rouge j’observe cette femme sur le bord du trottoir, devant son étal de fruits et légumes, tandis que derrière elle, dans l’échancrure d’un rideau, surgit une fillette. Le contraste de leurs deux regards est frappant, la femme a le regard de ceux qui n’attendent plus rien de la vie, le regard résigné et lasse ; la fillette a le regard vif et curieux, de ceux qui attendent encore tout de la vie.
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Au loin, le Kilimandjaro émerge des nuages…
Quelques heures plus tard, arrivés à Moshi et après avoir retrouvé notre serveur favori, on découvre ces fameuses photos prises à la volée… Que dire… Je suis agréablement étonné du résultat, il y a des photos drôles, touchantes, banales, singulières, c’était une super idée !