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Monts Fann

 

25/07/2023-03/08/2023 (Jours 3-12)

 

L’objectif du jour est de rejoindre le Tadjikistan.

 

Sur la route, je m’étonne de ces scènes banales qui trouvent ici un certain esthétisme. Notamment ce vieil homme, dont la peau est aussi ridée que le tronc de l’arbre auprès duquel il a trouvé ombrage, réparant avec lenteur un vélo. L’envie de figer cet instant désuet me prend, mais je suis en voiture, derrière une vitre teintée, tant pis. Que dire aussi de ces femmes, adossées à ce mur en terre, avec à leurs pieds les fruits qu’elles vendent. Tant de choses anodines, d’une simplicité extrême, qui trouvent ici un charme, une beauté incandescente.

 

Je m’imagine un poste frontière isolé au milieu d’une étendue désertique avec des douaniers militaires peu commodes, nous invectivant des ordres et nous perdus dans un fracas administratif.

Il n’en sera rien.

Situé dans la vallée de Ferghana, aux terres fertiles et cultivables, le poste de douane n’est guère isolé. Il est entouré de vergers et de pins. Nous sommes qui plus est accueillis avec de grands sourires par les douaniers Ouzbeks puis Tadjiks. Ces derniers ne sachant toujours pas que depuis peu il n’est plus demandé de visa pour les français. Mais ce n’est rien : un collègue les rassure et nous pouvons passer. A la sortie, un chauffeur nous propose ses services.

 

« Khodjent? »

« Yes »

« Russa ? »

« No »

« Som ? »

« Dollars or ouzbek som ? »

« Ok »

 

La population ne parle pas anglais.

Nous ne parlons pas russe.

Les transactions se font nous ne savons comment mais elles se font.

 

Nous embarquons avec lui, une mère et sa fille ainsi qu’un bébé.

C’est parti pour Khodjent du coup, dernière halte avant les Monts Fann.

 

Sous un soleil de plomb nous trouvons l’hôtel, une rapide sortie nous amènera au musée d’histoire de la ville. Sans grand intérêt. Et oui, nous n’apprenons pas de nos erreurs.

 

De retour dans la chambre, nous nous mettons à la recherche d’un chauffeur pour le transfert du lendemain matin. L’hôtel nous avait indiqué au moment de la réservation un montant de 150 $, ce qui nous semble exagéré désormais vu les récents trajets payés. Nous reprenons contact avec notre chauffeur de la frontière, les échanges durent sans aboutir, une application locale type Uber ne fonctionne pas avec nos numéros… Résignés nous allons à la réception leur demander de nouveau le tarif : 50 $. Tout ça pour ça, des heures qu’on essaie de trouver une alternative et voilà qu’il suffisait de leur redemander. Deux tiers en moins en quelques mois, ça c’est de la déflation comme on en connaît trop peu !

 

Depuis que nous sommes ici, nous ne sommes pas risqués à la cuisine locale, souvenirs kirghizes obligent ! 

Étapes du trek :

1. 12 km/575D+/255D-

2. 13 km/1320D+/830D-

3. 20 km/665D+/1810D-

4. 11 km/1540D+/230D-

5. 6 km/705D+

6. 10 km/1420D-

7. 12 km/350D+/1400D-

8. 25km/1850D+/1850D-

 

Total :

109 km/7000D+/7800D-

J1. 12 km/575D+/255D-

 

C’est le jour J, le début du trek.

 

Après avoir fait une longue route, et traversé un effrayant tunnel, nous voilà arrivés à Iskandarkul (Iskandar est le nom donné au héros Alexandre le Grand tandis que le suffixe kul signifie Lac).

 

Pour la petite anecdote, c’est un des lieux de villégiature du Président et c’est d’ailleurs devant sa propriété que nous débutons la marche.

 

Intrigué le chauffeur se demande où l’on va ainsi, nous regardant incrédule avec nos sacs pesant environ 17 kg chacun. Il nous parle, questionne, mais nous ne le comprenons pas et ne savons comment lui dire quelle est notre destination.

 

Notre objectif est de traverser les monts Fann du Sud au Nord en passant par trois importants cols de la région : le col Dugdon (3810 m), le col Chimtarga (4740 m) et le col Alauddin (3780 m). Traversant monts et vallées, il est prévu de faire la traversée de 75 km et 7000 D+ et tout autant de D- en 8 jours dont 7 nuits sous tente. Ça c’était la théorie.

 

En pratique, nous avons déjà entamé une modification d’itinéraire la veille.

Nous avions en effet prévu de relier deux hauts de vallée via le col Amshut, mais les images satellitales nous ont guère enchantées. En particulier cette zone de campement située dans une zone où d’anciens éboulements eurent lieu. Aussi, nous avons pris la décision de redescendre toute la vallée de l’Archamaydon puis de remonter toute celle de Zindon.

 

Et voilà 17 km et 800 D+ supplémentaire ! Et qui sait ce que la réalité du terrain nous réservera…

 

Cet après-midi l’objectif est de remonter la vallée de Sarytag jusqu’à l’entrée de celle de Dugdon.

 

Le tronçon jusqu’au village de Sarytag est sans intérêt. Nous le parcourons sous un soleil de plomb, en bordure d’une piste, dans la poussière. Douloureux prélude.

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Un ballet de klaxons nous étonne en ce lieu perdu : cela concurrencerait presque la rocade marseillaise !

La raison est vite trouvée, au détour d’un virage, une voiture de mariés fait son apparition.

 

Nous quittons le village et traversons avec une grande précaution un camp de bergers. Oui, nous avons lu de « terribles » descriptions des chiens et après les frayeurs lors des treks en Géorgie, c’est un euphémisme de dire que nous sommes sur nos gardes. Chacun avance avec à sa main un gaz lacrymogène.

En fin de compte pas de chien.

 

Peu à peu le paysage se fait sauvage, le sentier traverse une petite forêt de ce qu’ils nomment ici « Archa », pour décrire des genévriers des montagnes, et longe le lit du torrent. A la confluence de la Mura le torrent s’étire. La piste du début est vite oubliée et déjà les bienfaits de la montagne s’insinuent en moi.

 

Je songe alors aux mots de Sylvain Tesson (me semble-t-il) :

« La montagne n’était pour moi qu’un merveilleux royaume où, par quelques sortilèges, je me sentais plus heureux.

La montagne est l’un des derniers moyens de s’évader de la cuirasse de médiocrité où nous emprisonne la civilisation et pour laquelle nous ne sommes pas tous faits. »

 

Nous plantons la tente aux pieds de la gorge du Dugdon pour la première nuit en bivouac. Il faut reprendre les habitudes : le montage de la tente, le gonflage des matelas, le rangement et la gestion de l’espace dans la tente, la toilette, la popote etc.

 

Assiégés par les moustiques, nous nous enfermons rapidement dans la tente.

 

Je relis le récit du trek, dont l’itinéraire est particulièrement bien décrit, bien que réalisé dans l’autre sens :

https://www.asia-hikes.com/tajikistan-kulikalon-lakes-to-chimtarga-iskanderkul/

J2. 13 km/1320D+/830D-

​

L’objectif est de rejoindre la vallée de l’Archamaydon en franchissant le col du Dugdon.

​

Le sentier se dresse rapidement et se fraye un passage au sein d’une gorge, il se cache tantôt pour réapparaître ensuite, quelque peu technique, sans balisage, il nécessite une vigilance permanente.

 

Nous croisons un groupe de russes qui eux finissent et disparaissent dans la gorge.

 

Nous traversons un vaste plateau qui nous emmène à l’entrée de la moraine, vestige passé d’un bien vaste glacier. Quand on croise ces types de vallées, je m’interroge toujours sur leur aspect lors des grandes périodes glaciaires. Cela dépasse l’entendement de telles masses glaciaires, et pourtant, ce sont bien elles qui ont dragué et sculpté ces vallées aujourd’hui verdoyantes.

Ça semble irréel.

 

C’est ce que j’ai toujours apprécié en géologie : donner une vie, une histoire, à ces paysages qui semblent immuables, inertes et immobiles alors qu’ils se façonnent de jour en jour. La plus petite action, répétée durant des millénaires, peut avoir une conséquence grandiose.

 

Peut-être en ce sens aussi que j’aime les montagnes : elles changent lentement et sont à ma vitesse. A l’inverse du monde qui change vite et qui nécessite, du fait des vecteurs de communication immédiats, une réaction de plus en plus rapide, sans en analyser la portée. Les gens parlent fort et vite alors qu’ils devraient se taire et mesurer la capacité qu’ont certains événements à nous construire ou au contraire à nous déconstruire. La seule chose qu’on y gagne c’est un brouhaha dans lequel réflexion et sensibilité disparaissent.

 

Ici haut, si nous prenons le temps de percevoir ce qui nous entoure, tout vibre plus distinctement, une forme de pleine conscience de soi et de son environnement est possible.

Nous traversons un camp de bergers, tandis que le col est désormais visible. Il semble si proche, et pourtant il semble s’éloigner à chaque pas.

 

La météo se gâte, le vent forcit, la pluie s’y mêle et la température chute brutalement. Derrière nous l’orage tonne. Ambiance.

 

Dans la montée nous sommes rattrapés par les bergers ainsi que leurs chèvres et moutons en file indienne sur des centaines de mètres de longueur. Alors que nous sommes assis pour une pause, un berger nous demande de reprendre la marche : en étant assis, bien que laissant un passage, les bêtes se refusent d’avancer davantage. Alors nous nous redressons et pressés par je ne sais combien de beuglements nous traçons jusqu’au col !

 

Tandis que le réchaud est sorti pour la préparation du déjeuner, nous observons le travail de ces bergers, qui, à coups de sifflements et de cris guident leur troupeau à travers ces monts Fann.

 

Mention spéciale à cette espèce de mouton qui a des fesses démesurées. Comprendra qui pourra.

 

Dans la descente, ça sera à notre tour de les rattraper. Nous ferons pratiquement toute la descente ensemble avant de les semer.

Dans une ambiance post apocalyptique, nous atteignons la fin d’une terrasse minérale surplombant de magnifiques balcons verdoyants sortis d’un conte de fée.

 

Nous nous retournons, et voyons dressées ces immenses cimes acérées en partie voilées par le brouillard et les nuages sombres. Un paysage inquiétant s’en dégage.

 

Nous regardons de nouveau devant nous, et voyons de petits ruisseaux traverser de douces prairies toutes douces, encore ensoleillées. Un paysage tellement accueillant.

 

Nous sommes entre deux mondes que tout oppose, d’un regard nous savons où nous poserons la tente pour cette seconde nuit.

 

Tellement heureux de pouvoir bivouaquer dans un tel endroit.

J3. 20 km/665D+/1810D-

​

Il est des réveils qui ne laisse en aucun cas présager la merde dans laquelle tu es.

 

Ce sont sur les notes de la mélodie de piano « Tout feu, tout flamme » de Michel Berger que je sors du sommeil. Délicatement je me tourne vers Marie, qui ouvre un œil aussi. Nous nous redressons petit à petit. J’attrape la serviette que j’avais accroché en dehors de la tente. Puis, aperçois sur mon drap de soie deux perce-oreilles. Mon sang ne fait qu’un tour, je les emprisonne rapidement dans le tissu avant qu’ils ne fuient dans le sac de couchage.

 

« Comment sont-ils arrivés ici ? Y-en-a-t-il d’autres dans la tente ? Comment je vais les sortir de là ? »

 

Je saisis la serviette et en découvre quatre autres. Oh merde… j’ouvre la tente et jette en dehors le drap de soie et la serviette. Je saisis mon caleçon que j’avais également mis à sécher, lui aussi est assiégé et balancé loin.

 

« Si ces bêtes ont pu monter envahir ce qui pendaient, qu’en est-il des sacs qui sont posés au sol ? »

 

Une invasion.

Une horreur.

 

Je m’extirpe de la tente, dont l’intérieur a été heureusement préservé, et tire loin mon sac et là, grouillant par dizaines ces saletés de perce-oreilles. Pareil pour le sac de Marie. Mais ce n’est pas fini… s’il y en avait sous les sacs, il y en a aussi dedans. Des dizaines et des dizaines, dans tous les recoins les plus inaccessibles.

 

Marie sort la bombe lacrymogène et finit par en gazer certains. Un doute la submerge quand elle découvre un de ses sacs de nourriture ouvert : c’est à la petite cuillère que ce dernier sera contrôlé.

 

Après plus d’une heure d’inspection, de cris, de gazage, de frappe nous estimons nos sacs et nos affaires débarrassés. Enfin, c’est ce que l’on espère.

 

Il reste à plier la tente, au moment de la levée des dizaines sont restés sous la toile.

Mais pourquoi ? Cet emplacement de bivouac semblait si parfait pourtant !

 

C’est excités que nous prenons le départ. Et Marie, qui me disait la veille avoir du mal avec le sac et des difficultés à avancer, se met en mode fusée. Les bêbêtes l’ont bien énervée et réveillée, c’est sur une allure de 5-6 km/h que nous filons rejoindre la nouvelle vallée et je peine à suivre !

Une traversée de rivière nous freinera pourtant, ne sachant où traverser et en l’absence de balisage, nous sommes sans doute arrivés au mauvais endroit. Nous sommes obligés de mettre les pieds à l’eau puis de couper à travers talus, sous les conseils avisés d’un bûcheron. Pas simple de se retrouver lorsque tant de sentiers empruntés par les bêtes s’entrecoupent.

 

C’est dans un flop flop permanent que nous retrouvons la trace et entamons une importante descente. D’ores et déjà je connais la sentence de cette traversée de rivière : la semelle glisse et se plisse, les pieds frottent et les ampoules apparaissent peu à peu.

 

Je sens le sol granuleux sous mes pieds et la fraîcheur de l'air de montagne qui enveloppe mon corps. Sur notre gauche, les montagnes ont une majesté qui m'envoûte, une sérénité retrouvée.

 

Nous marchons à travers les vallées et les plateaux, observant les crêtes de pierre qui s'élèvent au-dessus de nous avant de surprendre un lièvre qui fuit aussitôt. Mais l’autre lièvre en ce moment c’est Marie qui a pris le lead de la marche et impose son allure de marche.

 

De l’autre côté de la rive, un camp de bergers, les gens nous font signe de les rejoindre. Bien que nous répondons à leurs salutations nous ignorons les invitations à boire le thé : nous savons la journée longue et après avoir perdu du temps ce matin avec l’invasion… ce n’est pas le moment. Mais leur curiosité et leur gentillesse nous vont droit au cœur.

 

Petit à petit le plateau est délaissé au profit d’une profonde gorge que nous surplombons d’abord, avant d’en rejoindre le bas.

 

Les petites excitations du trajet résident dans le fait de trouver un pont ou non permettant de passer d’un côté ou de l’autre de la rivière.

 

Au niveau de l’embouchure avec la Pshtikul, nous croisons un groupe de randonneurs aux légers sacs. Ils viennent de la région des sept lacs, à l’ouest des Monts Fann.

 

Rapidement nous les semons et après avoir découvert une petite oasis de verdure nous prenons une pause bien méritée.

 

Ces îlots de verdure , sortis de nulle part, me ravivent toujours : de véritables lieux de fraîcheur.

 

La descente, longue, se poursuit et nos corps ainsi que nos esprits commencent à trouver la journée longue elle aussi.

 

Au croisement de l’Archamaydon et de la Sarimat, dont les eaux de chaque ruisseau sont facilement reconnaissables tant leurs couleurs diffèrent, c’est lassés que nous subissons de véritables rafales de vent… En l’absence de pont, nous sommes contraints de faire un important détour pour récupérer une route (enfin… par route je veux dire une piste… et même piste c’est déjà fort).

 

De nouveau repérés par une famille, nous sommes invités pour le souper et la nuit. Encore une fois nous déclinons, fatigués nous préférons nous retrouver avec nous-mêmes.

 

En espérant que ce nouvel emplacement de bivouac nous fasse grâce de la présence de perce-oreilles !

J4. 11 km/1540D+/230D-

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L’objectif du jour est de dormir sur les rives du lac Bolshoi Allo. C’est une longue montée qui nous attend.

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Nous nous imprégnons de la beauté brute de la nature et des sensations qui émanent de ces sommets majestueux.

 

Nous arrivons enfin à un petit lac isolé, où je m'assois pour contempler l'eau paisible.

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Le soleil se lève, baignant les sommets majestueux dans une lumière dorée.

Les crêtes acérées se découpent nettement contre le ciel bleu pur.

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Le silence est absolu, à l'exception du bruit régulier de nos pas et de nos respirations. On se retrouve avec soi-même, pour se reconnecter à l'essentiel.

 

Cette première montée raide laisse des traces, impacte les jambes et le moral. Si nous pensions qu'à partir du lac ça irait, c'était sans compter sur ces multitudes bosses en pierres nécessitant agilité et vigilance.

 

Dans ce labyrinthe de blocs, nous manquons le gué... Conscients que plus nous avançons plus nous risquons de galérer à revenir, nous décidons de hâter la traversée. En quête d'un passage à travers les eaux, nous trouvons finalement un moyen... après avoir balancé les sacs de l'autre côté de la rive nous sommes bien obligés de suivre !

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Nous quittons le lit de la rivière pour la partie sans doute la plus pénible de ce trek.

Un terrain aride, un cône de déjection, des blocs de partout, un véritable mur de pierrier raide au sein duquel serpente étonnament un sentier. Le mental prend un coup violent.

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Au fond de cette gorge aride, le soleil au zénith semblait avoir élu domicile permanent.

Chaque pas, chaque foulée, est une lutte contre la gravité impérieuse.

 

Sous le soleil implacable, le payage aride se dessine en teintes de brun et d'ocre, comme si la nature avait décidé de taire toute autre couleur sous cette fournaise ardente.

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Quelques arbres, résilients, se dressent moqueurs, tandis que quelques touffes d'herbes sèches semblent épuisées de leur quête désespérée d'eau.

 

La chaleur oppressante pèse sur chaque pas. Les gouttes de sueur perlent sur le front, comme des messagers de l'effort consenti, tandis que le souffle devient un rythme régulier, un mantra murmuré dans l'espoir d'arriver en haut.

 

Malgré la difficulté de cette montée, il y a une beauté brute, presque mystique. Chaque pas est une communion avec la nature implacable qui régne en maître dans cette gorge inhospitalière.

​

Au sommet de cette côte, alors que je suis en pleine extase, Marie tue mes espérances en insistant que nous ne sommes pas encore arrivés.

​

"Certes, mais la côte est finie, il faut juste suivre la rive du lac, il y a même pas un kilomètre..."

"Oui oui mais ne te réjouis pas trop vite non plus."

​

Et quelle rive... et quelle bordel d'enchevêtrement de blocs.

​

Chaque pas est une épreuve d'équilibre, une danse entre les formes étranges et les interstices étroits.

Chaque blocs en ouvre sur une dizaine d'autres, tâche sisyphéenne.

En temps normal, j'aurai certainement trouvé une forme de poésie au coeur de ce chaos minéral. Là, j'en ai juste plein le cul.

La lecture de la voie est permanente au risque de tomber dans une impasse.

Les blocs passés, qu'il faut désormais désescalader sur plusieurs mètres de hauts.

​

Enfin, nous arrivons, les sacs tombent sans ménagement, la tente se dresse.

Derniers efforts pour aller chercher de l'eau en contrebas mais... quelle vue !

​

Dans l'écrin minéral des montagnes, le lac Bolshoi se révèle tel un joyau caché, étincelant sous les derniers rayons du soleil. Après une journée épuisante de marche, sa vue apporte un soulagement profond, un instant de répit bienvenu. Son miroitement calme et ses eaux tranquilles promettent un repos mérité.

​

Mes vertiges reviennent, sans doute la déshydratation.

Alors qu'on se couche, le corps soulagé, au loin un groupe chante, et ceci n'est pas une blague :


"Hissez haut Santiano !
Si Dieu veut toujours droit devant,
Nous irons jusqu’à San Francisco"

J5. 6 km/705D+

​

Tient, il restait un perce oreille...

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Je ne me lasse pas de cette vue sur le lac.

Les reflets des sommets enneigés dans ses eaux calmes créent une symphonie visuelle, une harmonie entre le minéral et le liquide qui transcende le regard.

 

Là-haut, sur les rives, le silence enveloppe chaque instant, brisé seulement par le murmure apaisant de la brise. C'est un sanctuaire naturel où le temps semble suspendu, invitant à la contemplation et à l'écoute attentive de la sérénade montagnarde.

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Aujourd'hui est une courte étape, le but étant d'arriver au pied du col Chimtarga en début d'après-midi et de se reposer. Le franchissement du col nous effrayant quelque peu, tant la pente est importante et le terrain jugé instable.

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Nous nous élevons en surplomb du lac, je m'arrête sur une petite colline pour contempler la vue qui s'ouvre devant moi. Les sommets enneigés se dressent au loin, semblables à des sentinelles qui veillent sur le monde.

Plus le soleil monte plus les pierres tombent, rythmant la marche.

​

Nous croisons à un moment des randonneurs qui viennent du col. Nous les interrogeons sur le franchissement de ce dernier. Ils sont surpris qu'on veuille le faire dans ce sens et nous alertent sur de nombreux dangers, leurs mots étant guère engageants, avant de nous souhaiter... bonne chance !

​

La tente installée, nous nous interrogeons sur ce col : 900D+ et 2 km de là où nous sommes. Nous avons dû mal à figurer la pente que cela représente, un ensemble de choses nous traversent l'esprit. Et puis nous partons tous les deux en vrille, chacun alimentant la crainte de l'autre.

​

Je calcule une pente de 45° et me fais peur, alors que le calcul est totalement faux.

On sait le terrain instable, du sable qui ne se tient pas. On se dit qu'avec une telle pente si l'un de nous tombe il sera entraîné par le poids de son sac.

Sans oublier la météo qui est très chageante, là-haut il a neigé ces derniers jours.

Bref, on se fait toute une montagne, sans mauvais jeu de mots.

​

Nous essayons de nous fixer des objectifs horaires, avant de trancher : nous ferons demi-tour, la peur a pris le dessus sur la raison, à moins que ce soit la raison qui a pris le dessus sur l'idiotie. Nous ne saurons jamais. L'essentiel c'est de rentrer ensemble.

​

La nuit, les pensées décantées, je réalise que le calcul de ma pente est faux et soudainement ça me fait beaucoup moins peur. Je partage mon sentiment avec Marie qui ne fermera pratiquement pas l'oeil de la nuit et me coupe de suite "on a pris une décision, on s'y tient."

​

Face au col Chimtarga, un silence pesant ponctue l'air raréfié, et le regard se perd dans les crêtes inhospitalières. Parfois, l'ascension devient une négociation avec les limites de l'humain. C'est dans la sagesse de reconnaître quand la montagne, dans toute sa grandeur, impose son refus. Renoncer à l'ascension du col Chimtarga n'est pas une défaite, mais plutôt une humble reconnaissance de la nécessité de préserver l'équilibre entre ambition et respect envers la nature impérieuse des sommets. La vraie victoire réside parfois dans la sagesse de descendre, porteur d'une humble leçon enseignée par les montagnes elles-mêmes.

J6. 10 km/1420D-

​

Du coup demi-tour, on doit redescendre toute la vallée.

​

Je ne peux pas nier que je regarde avec tristesse le col derrière moi.

J'ai horreur de l'échec et je le ressens comme tel "et si" "et si". Je m'en veux d'autant plus que lorsque j'ai regardé l'itinéraire du trek, et j'en ai passé du temps dessus !, je ne m'étais pas rendu compte de cette éventuelle difficulté. Avec de la préparation, des renseignements complémentaires, nous aurions été mieux armés mentalement parlant.

​

Il fait un temps radieux et je n'ose imaginer la vue qu'il doit y avoir là-haut.

​

Nous entamons la descente, aux abords du lac Bolsoï Marie se plaint d'une douleur violente dans la hanche, l'empêchant de marcher. Nous réorganisons nos sacs afin d'alléger le sien, surtout qu'on démarre le fameux bordel de blocs, donc c'est pas le moment de flancher.

​

On galère, c'est un euphémisme, même si on sait que plus tard lorsque nous songerons à ce moment, nous n'en garderons que le meilleur mais pour le moment pas grand monde parle !

​

La descente nous semble durer une éternité et nous nous demandons comment on avait fait pour monter l'ensemble d'un bloc !

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De nouveau la traversée de cette zone sans air, sous une chaleur accablante. Nous traversons un troupeau de chêvres perchées sur les falaises, à l'agilité déconcertante.

​

A la sortie de la gorge, nos pas incertains cherchent un peu d'ombre c'est alors qu'un Ancien surgit tel un mirage, porteur d'un trésor inattendu : une pastèque, fraîche et juteuse, symbole de générosité au cœur de l'aridité. Dans son regard sage, nous avons trouvé réconfort, dans son geste humble, la promesse d'un soulagement bienvenu.

Au milieu de nulle part, sa bonté nous a touchés, dans cette rencontre éphémère, la gratitude a fleuri, transcendant la barrière des mots, unissant des âmes épuisées à la bienveillance d'un étranger.

​

Nous poursuivons la descente, revigorés, et plantons la tente sans savoir de quoi demain sera fait.

J7. 12 km/350D+/1400D-

​

Et la descente se poursuit...

​

A l'aller, on était passé devant une maison située en bord de piste, non loin on avait vu une voiture. Nous espérons que ses occupants soient toujours là afin de négocier qu'ils nous emmènent le plus loin possible en voiture.

​

Malheureusement, seules les femmes sont présentes et ces dernières ne peuvent pas conduire. Nous partons sur la piste que nous longeons. Un des jeunes qui étaient avec l'Ancien hier nous rattrapent. Nous lui demandons s'il connaît quelqu'un ayant une voiture (enfin plutôt on mime). Il nous fait signe de continuer d'avancer... alors on avance...

​

Une autre maison en bord de piste se dresse, le jeune appelle, appelle, puis finalement quelqu'un apparaît. Ils échangent brièvement avant qu'on soit invité à entrer. Il nous demande où on veut aller, on tente d'annoncer le refuge où l'on était supposé terminer le trek. Sans rien dire il s'en va, des femmes viennent alors nous offrir le déjeuner... et quel déjeuner, c'est superbement bon et après tous ces jours nourris aux lyophilisés on savoure la "vraie nourriture".

​

Avec Marie, nous nous regardons interrogatifs : est-ce qu'il va pouvoir nous y emmener ?

Puis, par la fenêtre on voit qu'il enfile sa tenue du dimanche, il se fait beau.

C'est bon signe, ça signifie qu'il va être de sortie !

​

Après un repas exquis, des abricots à se damner, il nous annonce que c'est le moment de partir pour le "cosmos"...

Nous comprendrons pourquoi après : vu la route et vu la montée finale !

Alors certes nous n'aurons pas fait le Chimtarga, mais nous aurons rencontré ces gens.

​

Sur la route, nous nous amusons d'une scène banale ici. Le chauffeur cherche de l'essence, il s'arrête dans un village, klaxonne, un petit gamin de 6 ans sort, le chauffeur lui dit de chercher de l'essence, le gamin lui dit d'aller un peu plus haut. Rebelote plus haut, un autre gamin arrive et fait signe au monsieur de le suivre. Ce dernier reviendra plus tard avec un jerrican. Et hop, le plein est fait.

​

Nous arrivons au camp Artuch en début d'après-midi.

Une fois les affaires posées, nous en profitons pour monter au lac Chuqurak.

On se sent bien là, c'est fou comme le paysage change d'une vallée à l'autre : la végétation n'est pas la même, les roches non plus.

J8. 25 km/1850D+/1850D-

​

Grosse journée aujourd'hui !

Le but étant de rejoindre le col Alausi, afin de parcourir au maximum l'itinéaire que l'on aurait dû suivre initialement.

​

L'avantage c'est qu'on file avec les petits sacs et on a l'impresison de voler !

 

Les lacs, nichés au cœur du paysage spectaculaire, sont des joyaux naturels qui captivent par leur beauté saisissante. Chacun de ces lacs, aux eaux d'une clarté cristalline, semble être une fenêtre ouverte sur un monde de tranquillité et d'émerveillement.

 

La palette de couleurs qu'ils offrent est un spectacle à elle seule. Du turquoise chatoyant au bleu profond, en passant par toutes les nuances intermédiaires. Leurs reflets, miroitant les sommets escarpés qui les entourent, créent des images dignes d'une carte postale, des images qui resteront gravées dans la mémoire de quiconque aura la chance de les contempler.

 

Mais ce n'est pas seulement leur beauté visuelle qui en fait des endroits si spéciaux. C'est aussi l'atmosphère qui y règne, empreinte de calme et de sérénité. Perdus dans les montagnes, loin de l'agitation du monde moderne, ces lacs offrent un refuge où l'on peut se ressourcer. C'est un lieu qui invite à la contemplation, qui permet de se perdre dans ses pensées et de se laisser emporter par la magie du moment présent.

 

Nous nous sentons privilégiés d'être ici, de parcourir ces lieux, véritables sanctuaires de beauté et de tranquillité. Ils sont là pour nous rappeler la puissance et la grandeur de la nature, pour nous inviter à ralentir, à respirer profondément et à apprécier la beauté simple et intemporelle qui nous entoure.

Au terme de ce trek en terre tadjike, chaque pas résonne comme un poème tracé sur les sentiers de l'âme. Les montagnes du Tadjikistan ont été nos guides silencieux, les rivières tumultueuses nos compagnes fidèles. Dans cette symphonie altière de cimes et de vallées, nous avons découvert la richesse d'une terre sauvage, tissée de récits millénaires. La conclusion de ce périple n'est pas une fin, mais plutôt le commencement d'une réminiscence, où le vent des hauts plateaux porte avec lui le souvenir éternel des sommets que nous avons foulés.

Aujourd'hui c'est repos au camp.

La journée de la veille s'est terminée sur les rotules ! Mais quels payages !

J'en demeure rêveur, ça semblait si irréel... et que dire de la douche !

Ces petits riens du quotidien qui deviennent un luxe dont on se délecte.

​

Le corps récupère peu à peu, les plaies se pansent et la sieste se fait bonne.

​

Demain nous partons pour Samarcande en Ouzbékistan !

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«Le plus grand voyageur n'est pas celui qui a fait dix fois le tour du monde. Mais celui qui a fait une seule fois le tour de lui-même.»

Gandhi.

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