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Kungsleden - Trek

 

15-24/09/2023

 

Départ pour la Laponie Suédoise, avec comme objectif la réalisation de la partie nord du Kungsleden, la Voie Royale, de Nikkaluokta à Abisko.

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C'est un trek d'une centaine de kilomètres, dans un des coins les plus reculés d'Europe, qui nous attend. Nous n'allons pas cacher que l'un des objectifs est de pouvoir enfin assister à des aurores boréales, après les avoir manquées aux Lofoten.

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Nous arrivons la veille au soir à Kiruna. Le contraste thermique avec la Suisse est bien là. Si quelques heures avant nous prenions le départ en t-shirt, c'est dans la doudoune que nous trouvons refuge désormais.

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Nous vérifions le téléphone satellite, la météo annoncée pour les prochains jours est plutôt mauvaise.

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Le lendemain matin, avant de prendre le bus pour Nikkaluokta, nous allons à une boutique de sport voisine acheter une cartouche de gaz. En espérant que ce dernier sera de meilleure qualité que cet été...​

Nikkaluokta => Kebnekaise Fjällstation

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C'est avec impatience que nous débutons la marche. Pour le moment, le soleil est là, révélant les contours des montagnes environnantes.

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Le sac est lourd mais il me rassure : chargé de provisions et d'équipement, il sera le temps du trek ma maison. Avec les années, les expériences passées, son contenu s'est ajusté et je me sais en sécurité avec. Juste un doute sur la tente, après les déboires en Géorgie, que nous savons mal adaptée pour des météos nordiques. Mais cette crainte est compensée par la qualité du reste de l'équipement.

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Comme à chaque début de trek, l'excitation est palpable.

Les premiers kilomètres sont faciles, le sentier bien balisé serpente à travers une forêt de bouleaux argentés. Le temps s'écoule plus lentement, de nouvelles sensations émergent. Les oiseaux accompagnent nos pas, une légère brise nous embrasse. A chaque tournant, le paysage change, dévoilant des rivières cristallines et collines verdoyantes.

 

L'écoulement des flots me fascinent : en raison du froid, l'eau s'écoule différemment. Comme engourdie par le froid, elle semble hésiter avant de poursuivre sa route.

En approchant du ruisseau, j'observe le ballet lent et gracieux de cette eau prise dans les serres de l'hiver. L'eau, d'une transparence hypnotique, avance à pas feutrés, chaque mouvement alourdi par une viscosité presque tangible. Les tourbillons autrefois vifs et audacieux ne sont plus que des arabesques languides. Chaque goutte d'eau semble prendre un instant de réflexion avant de se fondre dans le courant, comme si elle mesurait l'importance de son voyage. L'eau, dans sa lente progression, devient une métaphore de la patience et de la persévérance. Elle avance malgré tout, défiant l'hiver avec une résilience silencieuse. La viscosité de l'eau froide, ce ralentissement imposé, n'est pas une contrainte, mais une invitation à la contemplation. Un rappel que même dans les conditions les plus austères, la vie continue, douce et tenace, traçant son chemin avec une détermination sereine.

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Nous faisons une première pause sur les rives du lac Ladjojaure.​

L'avantage de la période, c'est qu'à compter de demain plus aucun bus ne fera le trajet jusqu'à Nikkaluokta et plus aucun refuge ne sera ouvert. Le sentier se vide ainsi de ses visiteurs et nous ne serons que deux couples à prendre le départ du trek aujourd'hui.

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La forêt cède la place à un paysage alpin, avec des rochers épars et sommets en toile de fond. Peu à peu le sentier grimpe et la pluie  arrive. Le terrain me rappelle quelque peu la toundra au Groenland : spongieuse et traitresse.

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Après plusieurs heures de marche, apercevant un terrain plat, nous prenons la décision de bivouaquer ici : nous ne souhaitons pas trop nous approcher de la cohue du refuge.

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Nous nous hâtons à monter la tente, entre deux averses, pour pouvoir nous abriter.

Quand il se remettra à pleuvoir, cela ne s'arrêtera pas de la soirée, ni même de la nuit.

Kebnekaise Fjällstation => Singi

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La toile extérieure de la tente est détrempée.

Marie fait office d'étendoir pour permettre à la tente de sécher un maximum avec les premiers rayons de soleil, tandis que je range le reste.

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Nous rejoignons le refuge, en y voyant la foule qui s'agite en tout sens, nous ne regrettons pas d'avoir dormi avant. Le refuge passé, nous sommes de nouveau seul sur le sentier, enfin presque seul, n'oublions pas cet autre couple qui tantôt est devant nous, tantôt derrière, au gré des pauses des uns et des autres.

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Le paysage s'étire et s'agrandit.

L'air est frais et vif, imprégné d'odeur de l'herbe mouillée.

Le soleil ne durera pas longtemps, peu à peu le ciel s'assombrit, le vent se lève, la pluie mitraille. Nous passons d'une couche à six pour nous abriter. C'est un mauvais moment à passer...

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Nous sommes insignifiants au coeur de ces vastes paysages.

Passant d'une saison à une autre, c'est au tour de l'été de se montrer.

Nous optons pour une petite variante : plutôt que de suivre le sentier classique, nous montons en direction d'un lac d'altitude.

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Un troupeau de rennes profite des rives du lac. C'est notre première rencontre, Marie s'étonne de leur taille : au Spitzberg les rennes y sont plus petits.

La vallée de Tjäktjavagge en contrebas, un écrin de verdure entouré de sommets enneigés. Des troupeaux de rennes broutent paisiblement, indifférents à notre présence.

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Le vent se lève, violemment, dresser la tente est un défi en soi. La sachant fragile, nous élevons un mur de pierre pour la protéger au maximum. Aussitôt abrités que des grélons s'abattent sur nous.

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Nous jetons un coup d'oeil à la météo : demain semble être bon, en revanche une tempête de neige s'annonce ensuite. Le téléphone satellite annonce des vents à + de 100 km/h et d'importantes chutes de neige. ​Ca promet.

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Singi => Sälka

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Je suis réveillé par des bruits à proximité de la tente.

La fermeture éclair s'ouvrant, je découvre le même troupeau de rennes que la veille autour de nous. Il s'éloigne peu à peu, je les observe avec calme avant de m'extirper de la tente une fois que le groupe est à bonne distance.

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Une forme de brume matinale enveloppe encore les lieux, les précipitations de la veille ont drapé les cimes au loin de blanc.

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Après le petit-déjeuner, frugal mais revigorant, nous reprenons le sentier qui serpente à travers la vallée de Laddjuvagge et qui est un vrai enchantement visuel.

 

Les montagnes, drapées dans des voiles de brume, semblent émerger d'un monde oublié du temps. À mesure que la journée avance, la brume se dissipe lentement, révélant des panoramas grandioses.

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Malgré la beauté de cette journée, je suis un peu grognon et agacé, ayant les prévisions météos en tête. Persuadé que la tente ne tiendra jamais face à une telle tempête, je veux viser une cabane pour être certains d'être à l'abri. Mais pour ça, il faut marcher plus loin et plus vite, en l'occurrence notre rythme n'est pas le bon : trop de pauses, de contemplation. En même temps, c'est vrai que c'est beau et il serait dommage de ne pas en profiter, n'est-ce pas ?

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Le temps semble se dilater, chaque seconde étirée à l'infini par la pureté et la tranquillité de cet environnement sauvage. A moins que ce ne soit par mes râleries demandant à ce qu'on avance plus vite... Oups.

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Nous traversons le refuge de Sälka, situé au creux d'une vallée verdoyante. Toutes les portes sont fermées, de toute manière nous ne comptions pas nous arrêter ici, l'étape du lendemain étant déjà longue nous avançons un maximum pour bivouaquer en bas du col.

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Cette journée a été tellement radieuse que nous doutons un instant de la véracité des prévisions météo : comment imaginer une tempête de neige avec un ciel si dégagé ?

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Dans tous les cas, on se dit que s'il y a une nuit durant laquelle nous pourrons observer des aurores boréales c'est bien celle-là. Alors nous programmons des réveils toutes les heures pour penser à jeter des coups d'oeil.

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C'est ainsi que je suis arraché aux bras de Morphée, première alarme, la tête dans le popotin j'ouvre la tente. Je regarde le ciel, incrédule je dis d'abord à Marie qu'il n'y a rien, avant de douter tout de même d'une tâche blancheatre dans le ciel que j'associe d'abord à un nuage avant de réaliser que ce dernier ne pourrait être blanc la nuit. Je pense à un ami qui me disait que les aurores faibles étaient plus facilement visibles à travers le téléphone qu'à l'oeil nu. J'attrape alors le téléphone et en effet à l'écran c'est vert. Ausstitôt pleinement réveillé, nous sortons de la tente, Marie s'occupe des photos, quant à moi je sors mon matelas et glissé dans le sac de couchage j'admire le spectacle. Cette fois-ci on les décernent bien, elles se verdissent aussi.

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Les aurores boréales, ces voiles célestes ondoyantes, sont la danse magique des particules solaires avec l'atmosphère terrestre. Elles peignent le ciel nocturne de nuances incandescentes, du vert émeraude au rose pâle, vibrant comme un hymne silencieux à la beauté éphémère et mystérieuse de notre monde. Je suis hypnotisé par ce spectacle.

Sälka => Tjäkta => Alesjaure

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Réveil très matinal, nous plions les affaires rapidement, machinalement, le regard hagard. Nous ne mangeons pas, nous le ferons au col où nous espérons trouver une cabane.

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Le ciel est bas, menaçant, la journée s'annonce telle une exploration des dédales rocailleux du sentier. Les parois de granit se dressent et nous enserrent. Le sentier se dresse de plus en plus, les précipitations démarrent.

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L'austérité du paysage décuple avec la venue du vent, des premières rafales qui nous couchent. Nous parvenons au col en luttant et sommes heureux d'y trouver alors une cabane où nous pouvons profiter du petit déjeuner. Nous sommes d'ailleurs agréablement surpris du confort intérieur de cette cabane : parfaitement sèche, isolée et bénéficiant d'un poêle avec une réserve de bois.​

Dehors c'est la tempête, la grêle mitraille la moindre surface de terre. Nous savons l'étape longue, nous savons aussi que la météo va empirer : rien ne sert d'attendre. Nous nous armons de courage et reprenons la marche.

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Je dois être quelque peu masochiste, mais j'éprouve un certain bonheur au coeur de ce déchainement des éléments. Je suis captivé par cette beauté froide, sauvage et sans concession. Chaque pas devient une lutte contre les rafales et les flocons tourbillonants, obscurissant les repères et engourdissant les sens. Les rugissements du vent et de la neige sont permanents. La trace du sentier disparaît.

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Alors que nous nous approchons du refuge, nous rencontrons un troupeau de rennes. Ils sont des dizaines et des dizaines. Insensibles à la météo capricieuse.

Au sein des vastes étendues de la Laponie, après le passage d’une tempête automnale, émerge une scène d’une simplicité saisissante. Un renne, paisible et solennel, se dégage dans le calme qui succède aux éléments déchaînés. Son pelage, une palette de tons terreux et cuivrés, se marie avec les dernières lueurs du jour.

 

Les bois du renne portent les traces récentes de flocons éparpillés, un rappel muet de la lutte contre les caprices du climat arctique. Son regard, empreint de quiétude, semble révéler une connaissance innée des vastes horizons qui s’étendent devant lui, comme les pages d’un livre que seul le temps peut déchiffrer.

 

Dans ce paysage sauvage, la rencontre avec ce gardien des plaines nordiques devient une pause dans le temps, une communion silencieuse avec la beauté brute et la résilience de la nature, incarnée par ce renne solitaire sur le sentier Kungsleden.

 

Nous arrivons au refuge et cherchons un abri, nous tombons par hasard sur quelques randonneurs qui nous expliquent que le local à bois est ouvert. C'est au coeur des bûches que nous passons la nuit. Nous sommes 7 au total.

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A chaque rafale, je me satisfais de ne pas passer cette nuit sous la tente. Toutefois, je ne peux m'empêcher à ce couple qui nous suit depuis le début : sont-ils à l'abri ?

Alesjaure => Abiskojaure

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Il a neigé toute la nuit.

Le paysage est méconnaissable.

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Les prévisions sont guères optimistes, toutefois le pire semble être derrière nous.

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Il y a une vraie évolution des paysages de Nikkaluokta à Abisko.

Je songe à cette forêt de bouleaux des débuts, avant de transiter par de vastes vallées profondes et de plaines ouvertes. Tandis que désormais, les montagnes se font plus imposantes, plus ciselées avec à leurs pieds les eaux calmes de vastes lacs.

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Une nouvelle fois, le sentier est empreint d'une solitude et d'une beauté sauvage sans égal, où chaque pas révèle une nouvelle facette de la Laponie.

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Nous déjeunons dans une cabane, que le couple Tchèque rencontré dans l'abri de cette nuit vient de chauffer, nous prenons leur place. Je dois admettre que je regrette l'utilisation de bois par nos prédécesseurs alors que nous ne sommes pas dans une situation d'urgence. Qu'en est-il en cas de véritable urgence si le stock de bois n'est plus ?

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En sortant, j'aperçois le couple du premier jour, nos regards se croisent et le soulagement s'y lit. Nous ne nous connaissons pas, nous n'avons jamais parlé ensemble, mais à cet instant ci, nous sommes liés et heureux de voir que l'autre va bien.

Cette étape est d'une monotonie sans nom. Nous avalons les kilomètres sans faillir.

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La descente vers Abiskojaure offre une nouvelle expérience. Nous pénétrons dans sa forêt de bouleaux. Après des jours de vastes étentues sauvages, les premiers signes de la forêt se font sentir comme une oasis de verdure au coeur de la toundra arctique.

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Les bouleaux se dressent avec plus ou moins de grâce, leurs troncs argentés contrastant magnifiquement avec les couleurs automnales qui ont teintées les feuilles. L'air est imprégné des odeurs de la terre humide, cette dernière offre un répit beinvenu à nos pieds.

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Les cabanes rouges traditionnelles Sami ponctuent le payage et marquent le refuge.

Le lac, calme et paisible, se déploie devant elles.

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Ici, rien est fermé, une partie des cabanes est en travaux. Nous trouvons un endroit où dormir : dans de vrais lits. Demain, ça sera le plaisir de la douche et celui d'un vrai repas !

Abiskojaure => Abisko

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Dernière étape aujourd'hui, petite qui plus est.

Nous partons sous la pluie, à bon rythme.

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Il faut saluer la qualité du sentier, et ce, depuis le premier jour. Parfaitement balisé et aménagé avec ses longues passerelles en bois pour éviter les passages marécageux.

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Malgré l'excellent balisage, nous nous trompons tout de même de direction à un moment, petit détour ce n'est rien nous arrivons à retrouver la trace en coupant à travers une clairière. Nous traversons ainsi par hasard la reproduction d'un village Sami.

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Voilà une route.

Nous n'en avions pas vu depuis Nikkaluokta.

Nous sommes arrivés.

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A ce moment-là, il y a une forme de soulagement, une forme d'envie aussi de se poser, de se laver, de manger, de dormir dans une vraie chambre. Plein d'émotions se mêlent. Nous sommes heureux, heureux de cette expérience qui nous a fait un bien fou.

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Ce bien, nous continuerons à le mesurer à notre retour, pendant des semaines, des mois, nous saluerons le bien que nous a fait ce trek. C'est la magie des contrées du grand Nord. Ces vastes paysages, ces étendues infinies, apaisent les âmes, invitent à la contemplation, à la méditation.

 

Nous avons été pendant un temps hors du monde. C'est une expérience d'une richesse rare.​ Et nous le savons d'autant plus lorsque la première personne que nous croisons à l'entrée du bâtiment est un français parlant bien fort, copie de Hubert de OSS 117, faisant preuve d'un certain égo et lançant un clin d'oeil à Marie, stéréotype du gros lourd.

Nous étions mieux au milieu des rennes en fin de compte.

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Blague à part, quelques heures plus tard nous y retrouverons le couple de Tchèques qui repartiront aussitôt en train puis le soir nous croiserons le couple du début. Encore une fois, pas de mot, mais d'un regard nous partageons la belle expérience de ces derniers jours.

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Nous demeurerons une journée de plus ici, à visiter les environs, avant de retourner à Kiruna en train rejoindre le même hôtel qu'au tout premier jour.

Nous avons l'impression que le trek a duré des mois.

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«Le plus grand voyageur n'est pas celui qui a fait dix fois le tour du monde. Mais celui qui a fait une seule fois le tour de lui-même.»

Gandhi.

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