
Chaukhi Pass | Roshka à Juta
15-16/08/2019 (Jours 9 & 10)
C'est après une bonne nuit de sommeil et un bon petit-déjeuner qu'on part en quête du bus bleu. Dans la mesure où on n'avait pu réserver auprès du chauffeur, et vu le nombre de trekkeurs à Shatili, on prend un peu d'avance sur l'horaire des 11 h pour être sûr d'avoir une place.
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Et là, ô surprise, le conducteur avec l'aide de google translate nous dit que le bus est complet, que oui, tous les gens ont réservé hier.
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J'essaie de lui expliquer que nous aussi on a voulu réserver hier mais qu'il nous avait dit qu'il n'y avait pas besoin. On lui propose de nous asseoir dans le couloir si vraiment il n'y a pas de place. Il refuse à chaque fois puis fait mine d'être d'accord. Je vais pour lui payer le trajet jusqu'à Tblissi, bien qu'on s'arrête avant, et refuse le plein tarif.
L'honnêteté géorgienne...
Deux trekkeurs géorgiens arrivent ensuite, enfin un traducteur entre nous et le chauffeur, chacun explique ce qu'il avait compris de l'autre et les choses semblent rentrer dans l'ordre.
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Vient le moment où il faut remplir le bus... Quand chaque adulte monte avec un sac aussi gros que sa personne... On comprend mieux pourquoi le conducteur était inquiet à l'idée de pas pouvoir nous prendre.
C'est un véritable tetris humain, avec des sacs entassés dans le couloir emmurant les gens à leur place. Une chose est sure, en cas d'accident, personne bougera !
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"Ca aurait pu être pire !". Leitmotiv du voyage !
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Le bus nous débarque à Korsha, vu le peu de maisons nous ne tarderons pas à trouver nos hôtes.
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Journée de pause, nous nous installons dans le jardin et regardons nos hôtes s'affairer à la préparation d'une vaste réunion de famille.
Les hommes coupent la viande et préparent l'alcool, les femmes sont aux fourneaux.
Départ pour Roshka avec le cavalier qui aura la charge de porter nos sacs. Ce dernier ne comprend pas un mot anglais... Et arrivés à Roshka, il disparaît. Nos sacs sont posés devant chez lui. L'heure tourne et on aimerait pouvoir prendre le départ rapidement... la marche est longue et la météo semble se gâter.
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Nous prenons le départ de la randonnée sans l'avoir vu. Vu l'attachement que je porte à mes affaires inutile de préciser que je suis totalement flippé à l'idée de ne pas revoir nos sacs.
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C'est dans la brume et sous des averses éparses que nous entamons la marche... avec à nos côtés un chien errant. Le retour du karma chien.
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Comme de nombreuses autres vallées glaciaires, plein de blocs de roche sont parsemés et éparpillés un peu partout. La légende, bien éloignée de l'explication géologique, dit que fut une époque les lieux étaient habités par le plus féroce des démons. Les animaux imaginaires d'alors se sont réunis pour le combattre : ceux qui étaient tués se transformaient en pierre. Cela signifie qu'on traverse en réalité un champ de bataille légendaire et mythique.
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Au loin on devine des randonneurs rebroussés chemin, on s'interroge à notre tour : les nuages descendent et il paraît que la côte finale est glissante et raide. Est-il judicieux de poursuivre sans connaître ni la météo ni le terrain ?
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Tandis qu'on s'approche du premier lac, le vert, on croise le groupe de polonais que l'on avait rencontré sur Omalo-Shatili, ils ont campé ici cette nuit. Au même moment le ciel se dégage un peu et nous laisse l'espoir de pouvoir poursuivre la marche.
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Alors que ça faisait quelques heures que je ne cessais de me retourner pour guetter l'arrivée du cavalier avec nos sacs, et que je commençais enfin à l'oublier... Voilà que je l'aperçois en contrebas. Marie rigole de mon sourire béat "C'est bon rassuré ?".
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Le cavalier nous signale qu'il ne peut pas prendre le même itinéraire que nous, il ne passera pas par le col mais par le vallon. On se donne rendez-vous de l'autre côté à 17h. Malgré le fait qu'on ne connaisse pas une seul mot en commun, le langage des signes semble être universel.
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C'est au lac bleu que nos chemins se séparent. Il me montre au loin le chemin qu'on doit suivre et la fameuse côte.
De loin ça ne semble pas si effrayant...


...de loin uniquement car une fois au pied de la côte, on sent que ça va être compliqué. A vrai dire, je ne sais pas ce qui est le plus effrayant : la côte ou les 3 chiens de berger qui gardent les moutons là-haut et qui sont en plein sur le chemin.
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On démarre l'ascension, on s'éloigne du sentier et donc des chiens. Par endroit on grimpe pratiquement à 4 pattes tant le terrain est glissant et instable. Bien que je râle, je suis tellement heureux de ne pas avoir un sac d'une quinzaine de kilos sur le dos !
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La montée est douloureuse et éreintante, ce n'est pas sans soulagement que le col est atteint. Là-haut c'est un paysage lunaire qui nous accueille.

L'autre côté du col change du tout au tout : davantage de soleil, les nuages n'ayant pas réussi à franchir cette barrière minérale, et aussi davantage de monde !
On comprendra plus tard que beaucoup de géorgiens partent de Juta et se promènent ici le Week-End.
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La descente se fait aisément, les pensées bouillonnent de nouveau. C'est toujours la même rengaine : la réflexion est activée par la marche et la marche est alimentée par la réflexion faisant affleurer à la surface de la mémoire souvenirs et pensées... Précieux bagage du solitaire qui a pris congé de ses semblables le temps d'un instant.
Je ne cesse d'admirer ces sculptures minérales qui nous entourent, cette vallée est si belle. J'aime cette rencontre, celle de ces hautes falaises abruptes surplombant ces prairies verdoyantes jonchées de campanules.
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Au loin apparaît le Fifth Season, ainsi que le cavalier avec nos affaires. Initialement ça me dérangeait de donner mon sac à un cheval, mais en fin de compte... le sac pèse bien moins lourd qu'un cavalier. Et puis, quelque chose nous laisse supposer qu'ils sont mieux ici qu'à faire des tours en boucle dans les rues de certaines villes...
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La vue de la chambre est superbe et je ne saurai m'en lasser.
C'est magnifique. Il fait bon vivre ici. L'air se rafraîchit et les nuages nous offrent quelques instants de répit. Les lieux se drapent de couleurs nouvelles à la tombée du jour. Témoin du changement, je parcours des yeux le mont Chaukhi et sa ligne de crête.
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Ici, notre liberté est à l'image de ces montagnes : infinie.
Les hautes terres que nous avons traversées jusqu'à présent nous ont comblé et c'est avec hâte que nous nous rendrons à Stepsaminda.
Mais avant cela... profitons de l'instant "On n'est pas bien là ?"
