
Cape Town et ses environs
12/2018
Départ matinal et de nuit vers l'aéroport pour atterrir tard la nuit à l'autre bout du monde. Il est toujours étrange par ailleurs que de partir et d'arriver de nuit : on se retrouve parachuté dans une terre inconnue sans s'en rendre compte, sans réaliser trop où on est arrivé laissant la surprise au réveil...
La courte escale à Amsterdam nous donnera l'occasion d'assister depuis le terminal aux manoeuvres des pompiers s'exerçant autour d'un avion tantôt en flamme, tantôt éteint.
Plus que 11 h de vol désormais...
Oui. "Plus que"...
L'arrivée au Cap se fait sous le bruit des vagues, tandis que l'iode embaume l'air.
Je scrute les lumières des lampadaires et tente d'imaginer ces lieux à la lumière du jour tandis qu'ils demeurent drapés dans le voile de la nuit...
Le bruit des vagues nous a bercés toute la nuit, le bruit du moustique également...
La lumière emplit la pièce, je me demande quelle vue je vais découvrir en me levant, cette vue que j'ai tenté de reconstruire à partir des indices lumineux et nocturnes aperçus la veille en voiture.
Étrangement, même si c'est la première fois que je vois le jour au travers de cette fenêtre, tout me semble à sa juste place... Imaginée tantôt. De la droite vers la gauche, on aperçoit le Lion's Head - qui lève les yeux vers ce ciel si bleu -, la Table Mountain - le rempart et le symbole de Cape Town -, enfin le Signal Hill qui s'allonge vers le Nord. En-deçà de ses reliefs, le quartier résidentiel de Sea Point s'étale, pris en tenaille entre l'océan Atlantique et le Signal Hill.

A propos de l'océan, il s'exprime de l'autre côté de la route, il me tarde d'aller à sa rencontre. Mais avant cela... Opération décoration du sapin de Noël !
Cape Town a été la première grande ville développée à subir une importante pénurie d'eau après plusieurs années de sécheresse et quelques erreurs politiques d'aménagement et de gestion de l'eau. Si cette année, les limites d'eau par jour et par personne sont moins restrictives que l'an dernier, il importe à chacun de faire très attention à sa consommation et faire en sorte qu'aucune goutte ne soit gaspillée. Fini les douches un peu longues...
Lors d'une petite lecture je suis coupé net par un bruit des plus agaçants, ça reprend d'autant plus fort, un bruit terrible, celui de ce bébé mutant qui hurle à la mort ne s'essoufflant jamais, ou encore celui de ce mouton qui bêle gueule dans ton oreille la nuit, mais dans ce cas présent il s'agit ni de l'un ni de l'autre... Juste d'une mouette chieuse, hum, rieuse pardon.
On sort prendre l'air en empruntant un petit tronçon de la promenade longeant le bord de mer. L'occasion de se repérer un peu plus dans ce quartier de Sea Point.
La balade se fait courte : nous devons rentrer nous préparer avant de rejoindre le Musical pour assister à la comédie musicale de Matilda. Cette fameuse enfant née dans une famille exécrable, allant dans une école de fous, brillante et douée. Comédie tirée d'un film, si l'ensemble était mignon et drôle, la lourdeur de certaines scènes ou le côté très enfantin peut par moment ennuyer.
En sortant, je m'étonne de ne voir aucun taxi mais des Huber. On m'explique que c'est beaucoup plus sûr que les taxis : le véhicule est identifié par avance.

Mauvaise nuit, le dos s'est réveillé... Malédiction.
Ce matin le ciel est nuageux, on se rend au Signal Hill d'où décollent les parapentistes et qui offre un joli panorama sur Cape Town, la Table Mountain, le Lion's Head, les Douze Apôtres et l'océan évidemment. Je regrette le manque de clarté mais apprécie cette vue d'ensemble. Rien de tel pour apprendre à se repérer dans une ville que de la voir d'en haut.
Au niveau du port, le centre des affaires avec les buildings des grandes
entreprises, en arrière le centre aux routes parfaitement perpendiculaires qui grouillent de vie. Sur les côtés, adossées aux collines les maisons des Boers rescapées de l'urbanisation quelque peu récente du centre.
J'ai hâte d'y faire un tour à pieds, de prendre le temps d'observer toutes ces petites choses différentes de chez nous... D'ailleurs... Où sont les illuminations de Noël ?
De retour à l'appartement je décide de rejoindre Camp's Bay en empruntant la longue promenade jouxtant l'océan. De quoi découvrir plein de petites plages aux pieds des montagnes, ces résidences privées hautement surveillées alors que tous prônent le fait qu'il n'y a pas de risque... Ah le retour de la fameuse équation africaine qui dévoile sa part quelque peu schizophrène.
La Nation arc en ciel parvient elle à assurer réellement l'égalité entre toutes ses couleurs ?
Les immeubles défient les lois de la gravité et épousent à la perfection la montagne... Créant en leurs pieds de véritables plages privées, sécurisées, petit havre de paix pour gens de bonnes fortunes. Leur disposition sur la montagne fait penser à des escaliers géants dont chaque habitation serait le pavé d'une marche.
Un panneau qui me fera rire : "Here tolerance zero crime zone". Ah parce qu'il y a des zones où la tolérance zéro n'est pas de mise ? D'accord. Admettons.
Après une eptite heure de marche, j'atteins Camp's Bay surplombé par la chaîne des Douze Apôtres. La vue est belle. Je songe au fait qu'il faudrait y retourner lors des golden hours, la lumière sera alors idéale.
Lentement je reprends le chemin du retour... avant de filer par l'allée marchante de Sea Point.


Aujourd'hui découverte du Waterfront, le coin où les gens du Cap et les touristes se retrouvent : centre commercial, artisanat, bateaux pour Robben Island, aquarium, restaurants et bars...
Il y a foule mais là où on se dirige beaucoup moins. Ce matin on rejoint l'équipe de recherche océanographique Ocean Maping Expedition sur le bateau Fleur de Passion. Nous sommes pour le moment six sur le ponton barré par une otarie quelque peu agressive... Tandis que ses deux compères dorment paisiblement à l'ombre de l'escalier. L'un des membres de l'équipage libère l'accès nous permettant de monter à bord du dit navire.
Navire qui, par ailleurs, avait servi comme démineur dans la marine allemande lors de la seconde guerre et qui a été récupéré par les suisses, puis réhabilités, pour mener à bien des missions bien plus pacifiques...
En l'occurrence pendant près de quatre ans il va faire le tour du monde en collectant des données dans le but de parfaire, ou de faire, notre compréhension des océans. Inutile de dire que sur ce bateau il y en a une qui est aux anges...
En longeant le quai je découvre les noms, quelque peu originaux, donnés aux bateaux de pêche : Pinotage, Chardonnay, ... Mais où est donc Shiraz ?
Après s'être enquis de boire un verre et de manger un bout, nous continuons notre tour du Waterfront en traversant notamment le hall artisanal. Bois, fourrure, tissu, pierre sollicitent l'imagination des artisans.
L'aquarium apparaît à la sortie du hall et nous invite en son lieu.
Très ludique et orienté sur le danger du plastique dans les océans, l'aquarium informe et éduque. Prévention que l'on retrouve également dans les supermarchés où de nombreux rayons préviennent du danger du plastique et invitent à utiliser d'autres emballages.
Evidemment, face aux manchots je tombe en adoration tandis que je demeure en admiration lorsque les raies passent au-dessus de nos têtes.
Les aquariums ont ça de séduisant de nous rendre accessible l'inaccessible, de nous inviter dans un monde dont on ignore encore tant de choses...

Au retour à l'appartement, nouvelle sortie, pour faire des courses cette fois-ci. Il est toujours intéressant de rentrer dans des supermarchés étrangers, on y observe les différences du quotidien... Comme la pharmacie qui s'apparente à une épicerie ...
"C'est typiquement une pharmacie à l'anglo-saxonne Clément ça" "ah ok..."
Au rayon fromage je m'étonne d'y découvrir du camembert de Normandie. Mais aussi et bien sûr LE fromage que je trouve partout où je vais à l'étranger : LE GOUDA. C'est fou. Toujours lui. De la Suède à l'Equateur en passant par Malte. Il y a également un certain nombres de variétés Sud Africaines.
Sur le chemin du retour, je me dis que Cape Town a de quoi plaire. Il perdure l'exotisme de la culture africaine tout en ressemblant à une grande ville occidentale avec toutes les commodités, et ce, niché entre montagnes et océan au doux climat méditerranéen...
Néanmoins, une ville où il fait bon de visiter, et inversement. Je reproche un peu à Cape Town de n'avoir été en mesure de protéger son héritage historique et architectural. La ville a de fait perdu son âme.
Le soir je goûte de l'autruche.
Etonnant comme viande : un mixte de viande rouge et blanche. Très bon...



Les marchés sont toujours plein de couleurs, plein de surprises, plein de monde...
Celui-là n'est guère éloigné des nôtres dans les produits proposés, il ne faut pas oublier qu'ici le climat est méditerranéen et de fait on retrouve les mêmes bonnes choses que sur les étales du Sud de la France.
Départ vers le vignoble de Morgensterg, situé non loin de Stellenbosch, pour y aller, la traversée du Cap, d'où s'élèvent les hauts buildings, est obligatoire ainsi que celle de sa périphérie, d'où des bidonvilles à ras du sol s'étendent à perte de vue. Je note néanmoins leur accès à l'électricité... C'est déjà ça.
Parfois on longe des semblants de quartiers avec une multitude de baraquements identiques parfaitement alignés, des sortes de bidonvilles améliorés. On m'explique que dans la région du Cap les vignobles embauchent énormément de petites mains et jouent sur le paternalisme pour garder leur main d'oeuvre, leur permettant ainsi de vivre plus "dignement". Ainsi, les uns et les autres savent ce qu'ils se doivent. A la différence de la région de Johannesbourg où le clivage est bien plus grand et que nombreux sont les abandonnés.
Arrivés au vignoble où l'on prend place à une très belle terrasse ombragée par des feuilles de vigne. La qualité de la viande et du vin sud africain tiennent leurs promesses...

Après un couac au moment du paiement, retour au Cap par la même route. La brume est là et si l'horizon est flou, des reliefs se dessinent tant bien que mal laissant imaginer le caractère bel et bien montagneux de ce coin du monde.
En fin d'après-midi on se promène le long de l'océan avec Noémy, c'est un plaisir partagé et ineffable que d'observer ses vagues s'enrouler et se dérouler les unes après les autres. Je ne m'en lasse jamais de cette vue simple.
Le soir, comme tous les soirs, un étonnant ballet s'exécute sur les hauteurs de la Table Mountain. Les nuages s'amoncellent sur le haut plateau, s'approchant au plus près de la falaise avant de s'y jeter. Une véritable cascade de nuages.

Avant de profiter du réveillon de Noël, on admire la Table Mountain depuis Table View, une station balnéaire au nord de Cape Town.
Je songe au fait que ce soir c'est l'ouverture des cadeaux de Noël... Il est étrange de le faire plein été, sous 26°C.
Pour moi Noël c'est associé à l'hiver, au froid, aux décorations et illuminations un peu kitch ; non à l'été, à la chaleur et à l'absence totale de décorations.
C'est ainsi, allez, c'est l'heure d'offrir...

Jour férié, journal de bord non avancé ce jour.
(C'est surtout que je ne sais vraiment pas quoi écrire)


Matin glandage et alors qu'en début d'après-midi je me motive à rejoindre le quartier Boo-Kaap, on décide de rejoindre Simon's Town par la Chapman's Peak Road. Cette dernière est connue et appréciée pour la vue côtière qu'elle offre ainsi que le panorama de l'étonnante Hout Bay avec sa corne de rhinocéros prête à charger l'océan tout entier.
Malheureusement le ciel est nuageux et les cimes sont voilées. Mais le spectacle n'en demeure pas moins intéressant.
La Goerge Street de Simon's Town séduit de par l'héritage architectural colonial. Je me crois plongé dans un fil d'époque en observant les devantures et les façades en bois. On croirait presque voir des femmes aux longues robes d'antan surgir de sous les arcades. Il est plaisant d'y flâner bien que la rue ne soit guère longue.
Simon's Town est également connue pour ses manchots du Cap. La seule espèce de manchot présente en Afrique du Sud.


Proche de l'extinction, l'espèce a été réintroduite ainsi que protégée en cette plage, permettant la formation d'une colonie de plus en plus d'importante !
Un peu en amont nous observons cette si belle colonie. Je me délecte de leur maladresse sur terre ferme et suis admiratif de leur agilité dans l'eau.
Que dire de plus, qu'excepté que je devienne incroyablement niais en les regardant.
Non mais c'est vrai. C'est mignon. Franchement.
Regardez-les...

De retour de Hermanus, et avant de filer vers Paternoster, je profite de cette dernière journée à Cape Town pour rejoindre le quartier Boo-Kaap.
On m'a souvent demandé ici ce que je pensais de la ville, et j'avais souvent la même réponse à savoir "c'est une ville où il fait bon y vivre, mais c'est une ville qu'on peut retrouver n'importe où au sens où elle n'a pas d'identité propre... Suis-je vraiment en Afrique ici ?". Il est aisé de comprendre le bonheur des expatriés quand ils se retrouvent ici, de la même manière qu'il est aisé de comprendre la déception du touriste et voyageur face à une ville sans identité.
Bref, voilà pourquoi je voulais rejoindre le quartier de Boo-Kaap, sans doute l'un des derniers réels quartiers pittoresques du Cap, un quartier malais gorgé d'histoire qui s'étend sur les flancs du Signal Hill.
Mais parlons un peu d'histoire d'ailleurs, afin d'éviter de résumer ce quartier à ses maisons colorées très largement instagrammées.
A son arrivée, la compagnie des Indes Orientales ne souhaitant se mettre à dos les Khoi San, la population locale, a commencé à faire venir des esclaves venant d'Angola, d'abord, puis du Mozambique, puis d'Inde, d'Indonésie et du Sri Lanka, tous parqués dans ce quartier. Ils ont grandement permis l'édification de la ville et puis vient 1834 et l'abolition de l'esclavage à Cape Town. Néanmoins cette abolition n'a guère amélioré leurs conditions de vie, restant une main d'oeuvre très bon marché, et oui, la liberté sur le papier ne suffit pas à tout changer... Et puis au retour de la démocratie dans le pays, leurs maisons sont peintes avec de vives couleurs ce qui constitue un symbole fort pour ce peuple qui avait interdiction de porter des vêtements de couleurs et étaient toujours habillés en blanc.
Désormais, les rues fourmillent de touristes, beaucoup trop d'ailleurs... certains m'agacent, mais bon. Passons...
Je m'éloigne des rues bondées et me faufile dans les plus petites, certes moins bien entretenues mais désertes.
Peu à peu je me perds dans le quartier de Waterkant, avec son côté industriel et ses contrastes.
Je file à Green Point pour profiter une dernière fois du Waterfront et rentre par la promenade qui longe l'océan... Les yeux rivés à l'horizon je resonge à Malte, je sais pas pourquoi, peut-être des sentiments mêlés.
La fin d'année s'approche, seul face à l'océan je fais une sorte de bilan, d'introspection, ce genre d'expérience que j'aime bien faire de temps à autre... Quelle belle année dans tous les cas...





Ce matin, avant de rejoindre Hermanus situé sur la Garden Road, nous faisons un petit détour par Franschhoek, "le coin des français" en Afrikaans, réputée pour ses vignes.
Pour la petite histoire, et pour comprendre ce nom, au XVIIème les colons néerlandais souhaitaient avoir des vignerons pour exploiter ces terres. C'est alors que la compagnie néerlandaise des Indes orientales y envoya plusieurs centaines de Huguenots français qui avaient fui le pays suite à la révocation de l'édit de Nantes par le Roi Soleil qui ne fut pas très éclairé à ce moment-là(vous savez ce fameux édit qui permettait des droits de culte aux protestants, un véritable écrit de tolérance en soi).
La compagnie offrait à ces réfugiés français un pécule et un bout de terre, en échange ces derniers les cultivaient.


Les générations se sont suivies et aujourd'hui encore persiste de vieilles familles françaises... Ainsi certains domaines viticoles portent de doux noms français qu'il est plaisant de voir si loin de la France, tel que "Chamonix".
Il faut admettre que, bien petit, le centre est plaisant, calme, reposant... C'est l'occasion de découvrir quelques bonnes bouteilles et puis il faut avouer que le village est encaissé dans une très belle vallée... Les montagnes et les vignes sous le soleil habillent les environs à la perfection !


Allez... Il est temps de rejoindre la côte...